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- Lutte ouvrière n°1741
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Dans les entreprises
Préciforge Thiers(63) : Usine en grève
Pendant cinq jours, à partir du vendredi 16 novembre, une grève avec occupation a bloqué toute la production de l'entreprise Préciforge de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, une entreprise de près de 150 salariés, et a empêché le départ des pièces, fabriquées en sous-traitance, essentiellement pour Renault et Volvo : des culbuteurs, des brides de pots d'échappement, des serre-joints. Plus de la moitié des ouvriers de l'entreprise étaient présents aux portes, et y sont restés jour et nuit, malgré le froid vif, autour des braseros où les discussions allaient bon train.
" Nous sommes théoriquement aux 35 heures depuis le 1er janvier 2000, explique un ouvrier, mais nous effectuons toujours 39 heures par semaine, et cela pour à peine plus de 19 F de plus par mois. " Tous estiment perdre près de 1 000 F par mois avec les calculs de la direction. En effet, celle-ci décompte les temps de pause et tout ce qui était admis de coutume avant le passage aux 35 heures. Ainsi, elle ne compte pratiquement pas d'heures supplémentaires et les salaires de chez Préciforge sont bien inférieurs à ceux pratiqués à Thiers dans les autres forges où les ouvriers sont aussi passés aux 35 heures. Ici, les salaires n'atteignent même plus les 50 F de l'heure. " L'écart entre nos salaires et le Smic ne cesse de se réduire ", disent les ouvriers, et ce n'est ni le saupoudrage des petites augmentations individuelles ni la minable prime annuelle d'intéressement qui suffisent à compenser la perte du pouvoir d'achat.
Si certains ouvriers n'exigent pas la réduction effective du temps de travail, tous souhaitent une paye qui soit en rapport avec les bénéfices engrangés par le groupe anglais Experton, auquel appartient Préciforge avec 40 autres petites entreprises du même type, essentiellement dispersées en région Rhône-Alpes. Les ouvriers ont calculé que les 1 000 F qui leur manquent ne représentent que 1 % des bénéfices réalisés sur chacun d'eux dans l'année écoulée. Tandis que les actionnaires ont empoché 1,3 milliard de francs de bénéfices, l'usine thiernoise, qui ne représente que 10 % du chiffre d'affaires, produit près de 40 % des bénéfices !
Aussi, c'est le mépris de la direction, refusant de discuter, qui a convaincu les ouvriers de se mettre en grève : " Nous y avons été obligés, on ne pouvait pas faire autrement, car la direction ne veut jamais rien savoir. C'est elle qui décide, et c'est à nous de plier ", expliquait encore un ouvrier du piquet de grève, " Mais cette fois, on n'a plus peur, continuait un autre, et on est nombreux, même les intérimaires sont avec nous. " Et pour cause, un ouvrier sur cinq dans cette entreprise travaille en intérim, et certains depuis cinq ans. L'appât du profit a même conduit la direction à refuser aux découpeurs la prime de chaleur qu'elle avait accordée aux estampeurs, alors qu'ils travaillent côte à côte, dans les mêmes conditions pénibles de la forge...
Ce sont toutes ces injustices sans cesse accumulées qui ont fini par provoquer la grève. D'abord surprise par le déclenchement soudain de celle-ci et par son ampleur, la direction a multiplié les manoeuvres. Tentative d'intimidation classique : le directeur faisait dépêcher plusieurs fois un huissier pour constater le blocage et tenter de relever des noms. Puis il laissait jouer le temps, en ne répondant pas aux demandes de rendez-vous des représentants des grévistes. Autre manoeuvre : le quatrième jour, la direction faisait mine de vouloir entamer des discussions, mais elle invitait à la même table des non-grévistes et " sortait de son chapeau trois gars de FO, dont un cadre, alors que ce syndicat n'existe pas dans l'usine ", raconte un ouvrier. " Alors notre représentante, une militante de la CFDT, est sortie. " Et tous d'approuver : les ouvriers de chez Préciforge n'admettaient pas qu'un syndicat joue le rôle de briseur de grève.
Cependant, l'intransigeance d'un patron de choc, l'isolement des grévistes, même si des ouvriers des usines voisines sont venus durant le week-end leur rendre visite aux piquets et les encourager, même si les syndicats de l'Union locale leur ont adressé leur soutien moral, la difficulté à joindre les 1 500 autres salariés du groupe, dispersés dans quarante usines, la pression que représente dans les familles ouvrières la perte d'une semaine de salaire, tout cela a pesé sur leur combativité. Craignant qu'une partie d'entre eux ne reprenne peu à peu le travail, ils ont préféré reprendre tous ensemble dans la journée du 21 novembre. Mais ils ne sont pas dupes cependant sur la valeur de ce qui a été obtenu : les 3 à 4 % d'augmentation des salaires à partir du 1er novembre ne font pas le compte, pas plus d'ailleurs que la prise en charge de la Prévoyance santé à 50 % par l'entreprise. Ils veulent une autre application des 35 heures que celle de la loi Aubry qui, on le voit une fois de plus, arrange et favorise les patrons mais pas les ouvriers, ceux de chez Préciforge comme tous les autres.