Moulinex : Après les salaires de misère, une prime de licenciement de misère23/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1740.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Editorial

Moulinex : Après les salaires de misère, une prime de licenciement de misère

Les licenciés de Moulinex vont toucher 80 000 F de prime, venant s'ajouter à ce à quoi ils ont droit comme indemnités légales de licenciement. 80 000 F, c'est une misère. A peine une année de salaire au SMIC. Et après, une fois cette somme dépensée ? Ce que certains commentateurs ont le toupet d'appeler une "surprime", comme si c'était un cadeau, est insignifiant comparé aux milliards que les gros actionnaires successifs de l'entreprise ont accumulés, et qui ont été transformés en comptes en banque bien garnis, en manoirs cossus, en bijoux, en tableaux de maître, ou encore en placements boursiers qui, bon an mal an, continuent à grossir leur magot.

Et encore, tous les licenciés n'auront pas droit à ces 80 000 F. Pour les mériter, il aura fallu travailler au moins 25 ans dans cette entreprise. Ceux qui ont moins d'ancienneté, à commencer par ceux qui avaient travaillé dans d'autres entreprises de la région, et qu'on avait reclassés chez Moulinex, toucheront moins.

On nous dit que cette concession à des femmes et des hommes que l'on va jeter à la rue, après les avoir exploités toute une vie, se chiffrerait globalement à 189 millions de F. Et il se trouve des politiciens de droite et de gauche, des journalistes, et même des syndicalistes, pour souligner le caractère exceptionnel de l'effort consenti, oubliant un peu vite que pour obtenir cette somme, les Moulinex ont dû se faire menaçants. Mais ces 189 millions, ça n'est même pas l'indemnité qu'avait touchée à lui seul Philippe Jaffré, l'ex-PDG d'Elf à qui on avait accordé 200 millions d'indemnité de départ, lorsqu'il avait quitté la présidence d'Elf. Et c'est certainement beaucoup moins que ce qui est dépensé pour envoyer des avions français bombarder les civils afghans, pour permettre au couple Chirac Jospin de parader dans le club des hommes d'Etat qui gendarment la planète.

Non, les licenciés de Moulinex sont loin d'avoir obtenu ce qui leur est dû, pas plus que ceux de Cellatex il y a quelque temps. Pas plus que tous ceux que l'on licencie dans des entreprises connues, ou dans celles dont on ne parle pas.

Le comble, c'est que le MEDEF refuse de payer en puisant dans le fonds patronal destiné à pallier les défaillances des entreprises, sous prétexte que cette prime n'entre pas dans le cadre de la loi. Il n'ose quand même pas prétendre qu'il n'a pas l'argent. Ce serait trop gros. Il prétend que ce serait à l'Etat de mettre la main à la poche. Et pourquoi Seillière et sa bande se gêneraient-ils ? Ils savent que cette pratique du bras de fer avec un gouvernement prêt à s'aplatir devant eux, cela marche à tout coup. Ils ont pu le vérifier, une nouvelle fois, récemment, avec les patrons des cliniques privées.

Il se précise d'ailleurs que le gouvernement s'apprête à suppléer aux dérobades patronales. Car ces patrons crient qu'on les égorge, lorsque ce gouvernement fait mine de s'en prendre à eux, mais n'hésitent pas à le solliciter pour qu'il joue les secouristes, dès qu'il s'agit de réparer les dégâts dont ils sont responsables.

On voudrait nous faire croire que ce qui a été obtenu pour Moulinex est le maximum de ce qui peut être obtenu. C'est une imposture, mais aussi un piège.

Car il n'est pas fatal que les travailleurs condamnés à trimer toute une vie finissent à la rue avec des indemnités de misère, tandis que ceux qui ont exploité leur travail gardent leurs capitaux et leurs fortunes.

Il n'y a pas de raison que les actionnaires ne soient pas responsables, sur l'ensemble de leurs capitaux mais aussi sur leurs biens, des dégâts sociaux qu'ils provoquent. Mais pour imposer cela, il ne faut pas compter sur ce gouvernement.

Les travailleurs de Moulinex étaient seuls, le dos au mur. Ils ont dû se battre, même pour les modestes sommes qu'ils ont fini par obtenir.

A force de provocations, le patronat et le gouvernement finiront par pousser à l'explosion sociale. L'ensemble des travailleurs aura alors le rapport de forces lui permettant d'imposer que ce soient les actionnaires et les propriétaires des entreprises qui paient pour les soubresauts de leur économie, et pas le monde du travail.

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