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Dans les entreprises
Danone passe à l'intox
Le "secrétaire général" du groupe Danone des "ressources humaines", Jean-René Buisson (poste tout fraîchement créé par la firme), vient de lancer une offensive de charme dans les medias : interviews dans Le Monde du 24 octobre 2001, Le Parisien, La Voix du Nord, Le Figaro, Les Echos, Usine Nouvelle, etc. Il fallait redorer l'image du groupe, écornée par l'annonce le 29 mars dernier de la suppression de 806 emplois.
Car il s'agit de convaincre l'opinion publique, les consommateurs qui voudraient boycotter les produits Danone, ou les éventuels actionnaires que le groupe Danone compte licencier certes, mais "en faisant bien les choses", conformément à sa prétendue réputation de patron social. Son plan proposerait ainsi une "formation longue durée qualifiante", "trois propositions d'emplois, dont une dans le groupe" et une "indemnité nette de deux ans de salaire". Ce monsieur Buisson se félicite même de ce que les salariés commencent à "envisager les solutions de reclassement" tout en annonçant qu'il n'y aurait plus guère que la CGT pour s'opposer encore au plan social, les autres syndicats estimant qu'il est temps "d'avancer sur le volet social". Quant aux grèves et débrayages au sein du groupe, il n'en parle qu'au passé, ne se référant qu'à ceux qui ont perturbé la production entre mars et juin, mal informé semble-t-il de la situation actuelle dans les usines de Calais et d'Evry !
La réalité
Depuis la divulgation par la direction des mesures concrètes du plan social, le 15 octobre dernier, la production est encore plus désorganisée qu'elle ne l'avait jamais été : les débrayages se succèdent, personne n'a envie de travailler et pas plus du tiers de la production de biscuits n'est sortie de l'usine de Ris-Orangis ! En fait, depuis l'annonce le 12 janvier 2001 dans le journal Le Monde du projet de fermeture du groupe Danone, les débrayages n'ont pas cessé. Démobilisés, les travailleurs de Calais et de Ris-Orangis ? Suite à l'annonce du contenu du plan "social", le 15 octobre dernier, les salariés bloquaient l'autoroute du sud juste en face de l'usine. 30 km de bouchon, mais la sympathie appuyée de tous les conducteurs : "Courage !", "Tenez-bon"... La semaine suivante, les salariés organisaient une journée "portes closes" en bloquant l'accès de l'usine.
La réponse aux mensonges du secrétaire général
Le même monsieur Buisson croit pouvoir se réjouir dans la presse de "l'éclatement de l'intersyndicale" au niveau national, qui lui permettrait enfin d'entrer de plain-pied dans les procédures légales du plan social. En fait, il n'y a jamais eu d'intersyndicale à l'échelle du groupe, mais seulement à l'usine de Ris-Orangis, où elle existe toujours. Dans les réunions du Comité central extraordinaire, ce sont 9 élus sur 20, des syndicats CFDT, FO, CGC qui, minoritaires, votent depuis le départ les propositions de la direction. A la dernière de ces réunions, le 23 octobre dernier, une centaine de salariés de l'usine de Ris-Orangis sont venus rappeler à la direction et aux "élus" ce que les salariés pensaient vraiment du plan social ! Certains membres du CCE ont même demandé au patron "une protection" contre les salariés, ce qui montre qu'ils ont parfaitement compris le message... Le résultat, c'est que la majorité des délégués, une fois de plus, a refusé de donner son aval au plan social. L'interview de Jean-René Buisson au Monde avait été publiée la veille. Les médias ont été plus discrets sur la réponse qui lui a été faite lors de ce Comité central extraordinaire.
Le baratin du plan social
Car les fameuses mesures sociales de Danone sont de la poudre aux yeux. Deux ans de salaire d'indemnité ? A condition d'avoir travaillé plus de 25 ans dans l'usine et pour les bas coefficients uniquement. Pour un ouvrier qui n'aurait perdu "que" dix ans de sa vie à travailler pour Danone, il n'aurait droit qu'à 180 000 F. Un ouvrier qui s'est détruit la santé en travaillant de nuit, et qui à ce titre a touché un salaire plus conséquent, voit ses indemnités plafonnées à 300 000 F. Et il en va de même pour l'encadrement.
Trois propositions d'emplois ? Mais à quel tarif ? La direction s'est engagée à maintenir le salaire deux ans, en versant si besoin est le complément. Mais après ? Et pour les emplois au sein du groupe, dans quelle localité ? Toute mutation suppose de déménager, avec les innombrables problèmes que cela pose, surtout quand les compagnons ou compagnes travaillent également. Près de 150 salariés ont 50 ans ou plus : qui va leur faire croire qu'ils retrouveront un emploi stable, assez stable pour atteindre la retraite ? Enfin, la fameuse formation qualifiante, elle, durera 4 mois au plus. Du flan, et surtout pas de quoi trouver un emploi.
De nombreux "rescapés" de précédents plans sociaux dans le groupe sont là pour témoigner. En 1990, 256 salariés avaient été licenciés à l'usine de Château-Thierry : alléchées par les primes de 50 000 F versées par Danone, les PME environnantes avaient proposé des emplois aux licenciés. Mais après deux ans et l'arrêt des primes, vogue la galère. Les salariés réemployés dans le groupe le sont à des tarifs très compétitifs pour la direction. Car elle ne va pas jusqu'à promettre de reprendre les gens au même tarif !
Plus que jamais, la mobilisation à l'ordre du jour
Les bagarres contre les licenciements ou contre les fermetures d'usine sont difficiles, et presque toutes vouées à l'échec si elles restent isolées. La perspective de sortir de l'isolement reste d'actualité. Si la direction parvient à ses fins, elle économisera 240 000 F en moyenne par an et par salarié. Soit, sur 8 ans par exemple, plus d'un milliard et demi de francs. Car la production qui était réalisée dans les usines de Calais et de Ris-Orangis sera faite ailleurs, sans presque d'embauches.
Ce milliard et demi, il nous appartient. Entre les bénéfices des actionnaires et le gagne-pain des travailleurs, notre choix est fait !