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- Lutte ouvrière n°1734
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Dans le monde
La condition ouvrière se dégrade dans toute l'Europe
Une "Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail", qui dépend de la Commission européenne, a étudié les conditions de travail en Europe au cours des dix dernières années, en interrogeant 21 500 travailleurs sur leur lieu d'activité, au cours de l'année 2000.
Elle constate qu'au cours de cette période, au lieu de s'améliorer, les conditions de travail se sont dégradées. 47 % des travailleurs interrogés, près de la moitié, dénoncent des postures de travail "douloureuses ou pénibles". Ils n'étaient que 43 % dix ans auparavant. Légère augmentation également du bruit intense : 27 % le dénonçaient en 1990, ils sont désormais 29 %. La manutention de charges lourdes a particulièrement augmenté, grimpant de 31 % à 37 %. Mais les travailleurs sont également 33 % à faire état de douleurs, 28 % évoquent le stress, 23 % les douleurs musculaires et autant la fatigue générale.
Le tiers des travailleurs se plaignent des tâches répétitives de plus de dix minutes et 22 % de tâches répétitives de moins d'une minute. Tous ceux-là souffrent plus que d'autres de troubles musculaires ou des articulations. 18 % exercent le quart de leur métier la nuit, 22 % sont en travail posté, tandis que le travail du week-end ne diminue pas.
La moitié des travailleurs interrogés disent devoir respecter des délais plus rigoureux pour réaliser leur travail et être plus dépendants des exigences des clients des entreprises. En conséquence, les cadences se sont élevées et le travail s'est intensifié : les salariés estiment avoir moins de temps pour effectuer les mêmes tâches, car la réduction du temps de travail (elle est chiffrée à une heure de moins en moyenne au cours des cinq ans écoulés dans les quinze pays de l'Union européenne) ne s'est pas traduite par une baisse de la charge de travail, au point que 40 % des salariés se plaignent de ne pas disposer d'assez de temps pour aller jusqu'au bout de leurs tâches.
Les rapporteurs concluent que "la situation de la main-d'oeuvre, au regard de la santé et des conditions de travail, a peu évolué" et, leur préoccupation étant évidemment de veiller d'abord aux intérêts des chefs d'entreprise, ils s'inquiètent de l'impact que ces mauvaises conditions de travail peuvent avoir sur les sacro-saintes "productivité et compétitivité réelles des entreprises".
C'est pourtant tout le contraire qui est vrai : c'est au prix de la dégradation des conditions de vie des salariés, de la surexploitation de la classe ouvrière, cette classe sociale dont les idéologues de la bourgeoisie prétendent qu'elle a disparu, qu'on a assisté à une augmentation de la productivité des entreprises, qui s'est traduite par une explosion des profits pour le patronat et les actionnaires, et par une intensification de l'exploitation pour les travailleurs, dont ce rapport n'est qu'un pâle reflet.
Car, de plus, la dégradation des conditions de travail s'est accompagnée de celle du salaire perçu. Cela s'est traduit par la multiplication des contrats précaires, au détriment des contrats à durée indéterminée, par l'envol des petits boulots, des emplois incertains, quand ce n'était pas la perte d'emploi tout court et la plongée dans la misère pour des millions de travailleurs.
Les rapporteurs de l'Union européenne suggèrent que, pour améliorer les conditions de travail, il faut désormais se donner des objectifs de "qualité". C'est dérisoire, il faudrait bien autre chose : renverser de fond en comble le système, pour que le moteur du système ne soit plus les intérêts d'une poignée d'actionnaires, mais les intérêts de tous, et d'abord de ceux qui en sont les premières victimes : les exploités.