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- Lutte ouvrière n°1732
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Leur société
L’explosion à l’usine Grande-Paroisse (AZF) de Toulouse : La négligence criminelle des patrons
L'usine Grande-Paroisse (AZF) qui a explosé à Toulouse a changé de nom à travers une longue histoire : ONIA quand elle était une entreprise nationale, puis APC, puis AZF, puis aujourd'hui Grande-Paroisse. Elle fait aujourd'hui partie de la branche chimie de TotalFinaElf, spécialisée dans la production d'engrais azotés et de produits dérivés de l'ammoniac et du chlore. A la périphérie de Toulouse, avec la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs) et Tolochimie, elle constitue un véritable complexe chimique en bordure des quartiers populaires du sud de la ville, ceux de Bagatelle, Papus, Mirail, Empalot. Des fenêtres des cités, on voit les tours de ces usines, les émissions régulières de fumées rousses ou blanches, et l'odeur caractéristique de l'ammoniac est bien connue des riverains.
C'est un hangar où était entreposé de l'engrais qui a explosé. Les conclusions de l'enquête ne sont pas définitives, mais le procureur de la République fait état de "négligences" dans les conditions de stockage de ces produits.
Négligence certes, mais négligence de la direction de l'entreprise !
Les ouvriers de l'usine sont bien placés pour savoir comment, depuis des années, les exigences en matière de sécurité se traduisent par une "politique de risques calculés" comme a dit le directeur en octobre 2000 lorsque sur le site plusieurs centaines d'ouvriers d'entreprises extérieures travaillaient lors de l'arrêt décennal prévu pour la vérification des installations.
"Risques calculés"...!!! Quel cynisme !
Car effectivement, ils calculent, et ce qu'ils mettent dans la balance de leurs calculs, c'est la santé et la vie des ouvriers de l'usine et des riverains au nom des "réalités économiques", c'est-à-dire des profits des actionnaires.
Ces calculs ont fait que la direction de l'usine a laissé des secteurs de l'usine sans surveillance ou sans entretien régulier, comme le hangar qui vient d'exploser. Cette politique de "risques calculés" a conduit, par exemple, les différents directeurs qui se sont succédé à réduire les effectifs d'année en année. Il y a parfois eu des réactions des travailleurs à ces réductions d'effectif, comme en novembre 1999, lorsque le directeur en place envisageait de réduire le nombre de pompiers de l'usine le week-end, ce qui a entraîné un mouvement de grève de plusieurs jours sur l'ensemble de l'usine.
D'année en année, ces réductions d'effectif ont entraîné des incidents, des accidents et des conditions de travail particulièrement dégradées (on peut lire ci-contre la série d'articles parus dans le bulletin "Lutte Ouvrière-Grande-Paroisse (AZF)" qui donnent un aperçu de cela).
Evidemment, l'évolution de la législation en matière de pollution et de sécurité a contraint la direction à se plier à de nouvelles exigences. Cela a entraîné des coûts supplémentaires et parfois importants pour limiter les risques de pollution de l'air ou de l'eau, ou respecter de nouvelles consignes de sécurité. Mais comme toujours, les patrons savent tirer parti de toutes les faiblesses des règles qu'on essaie de leur imposer. L'explosion de ce hangar de stockage en est un exemple dramatique. Il en va pour les règles régissant la sécurité du travail comme pour celles régissant la fiscalité : les patrons se "débrouillent" et ont une armée de spécialistes pour faire avec et passer chaque fois que possible au travers.
Ils "calculent" toujours, font le minimum, truquent les chiffres. Ainsi, il n'était pas rare que la direction fasse pression sur les ouvriers accidentés pour que l'accident ne soit pas déclaré avec arrêt de travail, pour ne pas nuire au "taux de fréquence" des accidents, qui sert de base à des pénalités de la CRAM.
Aujourd'hui, des dizaines d'ouvriers, des centaines de riverains l'ont payé de leur vie, ou de leur santé, ou de leurs conditions de logement et d'existence.
Et maintenant, après avoir enterré leurs camarades, pansé leurs plaies, ou parfois commencé le déblaiement des ruines, pour ceux qui restent et qui ont passé parfois des dizaines d'années à se faire exploiter, c'est l'incertitude quant à l'avenir : l'usine va-t-elle redémarrer, l'emploi sera-t-il maintenu, dans quelles conditions, devra-t-on s'expatrier, qui va payer les dégâts ?
Vraiment, il y a plus dangereux que l'ammoniac : c'est le capitalisme, qui permet à des irresponsables criminels de diriger ou de posséder des entreprises.