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Dans les entreprises
Moulinex : Nous sommes tous des "moulinex"
(Éditorial des bulletins d'entreprise du 10 septembre 2001)
Vingt-deux mille salariés jetés au rebut de par le monde, onze mille en France, voilà ce que signifie l'annonce du dépôt de bilan de Moulinex ! Autant de familles ouvrières plongées dans la détresse, car personne ne peut se faire d'illusions sur l'éventualité d'un repreneur que l'on continue à faire miroiter. Des repreneurs, il n'y en aura peut-être pas. Et, même s'il y en avait un, ce serait probablement pour que, six mois et des réductions d'effectifs après, le repreneur annonce que, décidément, il n'y a rien à faire, l'entreprise ne rapporte pas assez de profits.
On a bien trouvé un repreneur pour AOM. Mais qui peut garantir qu'il ne mettra pas la clé sous la porte dans quelques mois et que son seul rôle aura été de dégager la responsabilité de Seillière et de faire oublier que ce dernier était l'actionnaire majoritaire et, comme tel, principal responsable de la débâcle de la compagnie aérienne ?
Les actionnaires de Moulinex perdent de l'argent, paraît-il. Mais combien en ont-ils gagné depuis des dizaines d'années ? Cette entreprise, fondée en 1932, est passée pendant longtemps pour un exemple de succès. Combien d'actionnaires se sont enrichis pendant ces années de prospérité ? Combien de banques aussi ? Combien de richesses accumulées qui, lorsque Moulinex est devenue un peu moins profitable pour les actionnaires, ont été soustraites de cette entreprise pour être investies ailleurs, dans des secteurs jugés plus rentables ?
Pendant tout ce temps de prospérité, les travailleurs de l'entreprise ne se sont pas enrichis, eux. Ils n'avaient pas de quoi accumuler ! Ils ont vécu en essayant de joindre les deux bouts. Aujourd'hui qu'on se prépare à fermer les usines de Moulinex, les travailleurs vont se retrouver chômeurs après dix, vingt, trente ans de travail et après avoir enrichi le fondateur et sa famille, et combien d'autres dont on ignore jusqu'aux noms.
Les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, laissent faire. Ils prétendent qu'ils sont impuissants. Oui, impuissants, ils le sont ! Pas parce qu'il est impossible de prendre les mesures qui s'imposent en interdisant ce genre de licenciements collectifs et en obligeant les actionnaires à payer, mais parce qu'ils sont entièrement au service des actionnaires, au service des grands groupes financiers. Pour tromper les travailleurs, ils font voter des lois, comme la loi Guigou qui n'a jamais empêché et qui n'empêchera jamais un seul licenciement.
Les commentateurs rejettent aujourd'hui la responsabilité qui sur le dernier propriétaire, un groupe financier italien, qui sur la mondialisation. Mais Moulinex a été durant ses années de prospérité une entreprise familiale bien française. La famille du propriétaire, devenu milliardaire, a bâti sa fortune ici. Les banques qui ont prélevé leur dîme sur le travail des ouvriers de Moulinex, elles sont aussi ici, en France. On peut les atteindre, on peut les faire payer, on pourrait réquisitionner leurs fortunes pour qu'elles servent à préserver les emplois. Mais le gouvernement a montré, dans bien d'autres cas similaires, de Danone à Alstom, en passant par Aventis, qu'il ne le veut pas. Ce n'est pas la mondialisation impersonnelle qui est en cause. C'est la rapacité des capitalistes, quelle que soit leur nationalité, soutenus par les gouvernements. C'est l'hypocrisie des hommes politiques qui défendent un régime économique qui ne fonctionne pas pour ceux qui le font vivre mais pour enrichir encore plus ceux à qui cela profite.
Alors, pour empêcher qu'il y ait demain d'autres Moulinex, d'autres Danone, pour empêcher que continue l'avalanche des licenciements collectifs, il faudra une mobilisation de l'ensemble du monde du travail, une mobilisation assez puissante pour faire reculer le patronat comme le gouvernement et pour imposer, entre bien d'autres choses, l'interdiction des licenciements dans les grandes entreprises qui font ou ont fait des profits énormes.