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- Lutte ouvrière n°1729
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Dans le monde
Conférence de Durban : Pour réparer les méfaits et crimes du capitalisme, il faudra y mettre fin
C'est à reculons que les grandes puissances ont accepté la tenue de la 3e Conférence mondiale de l'ONU sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance, qui s'est tenue à Durban en Afrique du Sud. Et pour cause !
L'esclavage et la traite des Noirs, dont il devait être question à Durban, ont été, durant des siècles, l'un des piliers sur lesquels s'est édifié le capitalisme en Europe et en Amérique du Nord. C'est dans l'enlèvement, la déportation et le travail forcé de dizaines de millions d'Africains et de leurs descendants qu'est née cette « démocratie occidentale » dont se gargarisent les tenants du capitalisme et qu'ils voudraient donner en modèle indépassable à l'ensemble du genre humain.
Le cynisme des grandes puissances impérialistes
Avant même l'ouverture de cette conférence, les Etats impérialistes avaient prévenu qu'ils y enverraient des délégations restreintes, affirmant ainsi ne se sentir en rien concernés par elle. L'Union européenne avait, elle, annoncé qu'elle ne voulait pas entendre qualifier l'esclavage de génocide des peuples africains car qui dit génocide, dit réparations. Or, pour les grandes puissances, il ne saurait en être question. D'ailleurs, ajoutaient certains avec culot, comment indemniser un tel drame, à qui en présenter la note ? Et de chercher à se défausser de leur écrasante responsabilité en rappelant les razzias des marchands arabes d'esclaves ou que des chefs tribaux africains avaient profité de la traite en menant des guerres jusqu'au coeur du continent, afin d'approvisionner en esclaves les trafiquants européens établis sur les côtes.
Ce mélange de mauvaise foi et de cynisme des représentants des grandes puissances n'a rien d'étonnant ni de nouveau. Mais ce n'est pas non plus sur les dirigeants du Tiers Monde qu'on peut compter pour dénoncer cette hypocrisie. Dans leurs pays, ils sont souvent les relais de la perpétuation de l'exploitation de leur peuple. A Durban, il ne s'agissait pas pour eux de mettre en cause un système mondial capitaliste fondé, dès son origine, sur l'exploitation de l'homme sous ses formes les plus barbares. D'une certaine façon, ils étaient dans leur rôle, en feignant de croire ou en laissant croire qu'une telle conférence pourrait changer quoi que ce soit à l'injustice séculaire dont ont été et continuent d'être victimes les peuples du Tiers Monde.
Un continent saigné à blanc
Du XVIe au XIXe siècles, la traite des Noirs a été systématiquement organisée par les Etats ouest-européens afin de fournir plantations et mines du Nouveau Monde en main-d'oeuvre privée de tout droit. Cette traite a effroyablement et durablement mis l'Afrique à genoux. Elle a destructuré ses sociétés, les privant de dix à vingt millions d'hommes et de femmes, parmi les plus jeunes et les plus robustes, dont 20 % périssaient durant la seule traversée de l'Atlantique, enchaînés à fond de cale sur les navires négriers.
Cela a entraîné une chute terrible de la population (puisqu'on estime que, de 1 600 à 1 900, la part de l'Afrique dans la population mondiale est passée de 30 % à 10 %), une saignée qui interdisait tout essor au continent noir. En revanche, celle-ci a été un élément essentiel du développement du capitalisme en Occident, où s'accumulaient les richesses extorquées des colonies grâce au travail forcé des esclaves. En 1789, à la veille de la Révolution française, le trafic des esclaves et leur exploitation dans les colonies représentaient le tiers du commerce total de la France. Et les bourgeois d'alors n'hésitaient pas à afficher la source ignoble de leur richesse. En témoignent les « têtes de nègre » qui ornaient les frontons de leurs hôtels particuliers, notamment dans des ports tels Bordeaux ou Nantes dont la prospérité provenait du commerce triangulaire fondé sur la traite et le travail des esclaves noirs.
C'est sur les souffrances et les cadavres de dizaines de millions d'entre eux que se sont édifiées les grandes puissances actuelles.
Une dette pour une humanité débarrassée du capitalisme
Toutes les « compensations » et autres « excuses » officielles que pourraient obtenir des Etats africains ou des descendants d'esclaves des Etats-Unis, des Antilles ou d'Amérique latine, pour compréhensible et justifiée qu'en soit la demande, ne pourront jamais effacer cette horreur. Ni réparer les ravages incalculables opérés par la traite dans l'histoire de l'Afrique. D'autant qu'après avoir été la victime de l'esclavagisme des puissances occidentales, l'Afrique a eu à subir leur colonialisme et continue, malgré la décolonisation, à être soumise au pillage impérialiste des mêmes puissances qui dominent l'économie mondiale.
Ce n'est que le jour où toutes les richesses des grandes puissances, qu'elle a contribué à accumuler à son corps défendant, seront totalement mises au service de l'Afrique pour la hisser aux mêmes possibilités de développement économique, social et humain que la partie la plus développée du monde, que le continent noir échappera au sort auquel l'a condamné le système capitaliste. Cela ne compensera pas ce qu'il a subi - comment cela serait-il possible ! -, mais cela sera le seul juste retour des choses. Cela signifiera alors que l'humanité aura tourné la page de l'exploitation sous toutes ses formes, et donc en aura fini avec le capitalisme et l'impérialisme des grandes puissances.