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Dans les entreprises
AOM-Air Liberté : Un plan social aussi " douloureux " que les autres
Après onze jours de négociations et quatre réunions entre syndicats et administrateurs judiciaires, la liste du personnel d'AOM-Air Liberté en passe d'être licencié vient d'être établie mardi 21 août et les lettres de licenciements envoyées dès le lendemain.
La presse se félicite que, au total, il n'y aurait " que " 830 licenciements secs maximum sur les 1 405 prévus, une partie des salariés ayant démissionné. Mais que certains, las de ce climat, après des mois d'attente sans perspectives, aient décidé de quitter l'entreprise n'enlève rien au nombre total des suppressions d'emplois. De plus, " ceux qui se sont portés volontaires au départ ", rapporte un délégué CGT, " le font parce qu'ils en ont marre de galérer, pas parce qu'ils ont retrouvé du travail ". Quant à l'indemnité de départ, elle a été négociée au minimum puisqu'elle correspond à 1,25 mois de salaire pour cinq ans d'ancienneté et 3 mois pour dix ans, et elle ne permettra pas aux licenciés de tenir longtemps sans travail.
Il n'y a pas non plus de quoi se féliciter que, sur le plan des licenciements, les employés des deux compagnies, soient traités avec équité. C'est quand même la moindre des choses et surtout cela n'ôte rien au fait qu'ils perdent leur emploi.
Ainsi, malgré les déclarations apaisantes tant des nouveaux dirigeants d'AOM, des syndicalistes que du gouvernement, sur le fait que le plan social sera " moins douloureux " que prévu, il y a peu de perspectives de retrouver un emploi équivalent pour les salariés d'AOM-Air Liberté qui quitteront l'entreprise.
Air-France compte reprendre une partie du personnel navigant commercial (PNC), c'est-à-dire stewards et hôtesses, mais comme elle avait de toute façon prévu d'embaucher 1 000 personnes dans cette catégorie en 2001, cela se fera au détriment d'autres embauches. De plus, les conditions ne sont pas les mêmes, notamment en ce qui concerne le salaire, puisque leur ancienneté n'est pas reconnue et qu'ils sont embauchés au bas de l'échelle sans même, pour beaucoup, de date précise de réemploi.
Le personnel au sol forme, avec les pilotes, la majorité des licenciés sans reclassement. Les pilotes et les mécaniciens navigants auront du mal à retrouver un emploi, la compagnie nationale n'en reprenant qu'une trentaine. Beaucoup ont été formés sur des avions qu'Air-France n'utilise pas, et leur formation sur un autre type d'appareil coûte entre 200 000 et 500 000 francs. Pour les personnels au sol, s'ils veulent postuler à un emploi d'hôtesse ou de steward, il leur faudrait posséder un certificat de sauvetage et de sécurité, passer une visite médicale payante et débourser 10 000 francs de formation.
Certes, le ministre des Transports, Gayssot, prévoit de tenir une réunion avec des représentants d'entreprises publiques (Air-France, RATP, SNCF, SNECMA et Aéroports de Paris) pour les appeler " à se mobiliser afin de contribuer à la reprise des personnels ". Seule la SNCF a déjà fait quelques promesses d'embauche, en plus d'Air-France, correspondant elles aussi à des emplois qu'il était déjà prévu de créer. Quant aux autres entreprises, elles tardent à faire connaître leur réponse, et l'on peut prévoir que cette réunion ne sera qu'une façon supplémentaire de gagner du temps, de duper et démoraliser encore plus les licenciés afin d'éviter que leur colère n'éclate.
Le nouveau patron d'AOM-Air Liberté, rebaptisée Holco, Jean-Charles Corbet, avec l'appui des syndicats et du ministre PCF des Transports, va donc faire payer aux salariés la survie de l'entreprise, tout en tentant de faire passer la pilule en douceur...
Combien de temps durera cette survie ? Celui que les banquiers voudront bien lui accorder et rien n'est garanti pour les quelque 3 000 salariés qui restent, qui voient d'ores et déjà leurs salaires bloqués pendant trois ans, pour le personnel au sol, ou diminué de 10 % pour les pilotes et les mécaniciens navigants, en échange d'actions.
Quant à faire payer les responsables de ces licenciements, il n'en est pas question pour les pouvoirs publics. Marine-Wendel, le groupe du baron Seillière, président du Medef, et Swissair ont retiré leurs capitaux parce qu'AOM ne rapportait pas assez. Seillière n'a pas perdu un centime et si Swissair doit payer 1,3 milliard à la nouvelle compagnie, elle se fait tirer l'oreille et a déjà effectué en retard le premier versement.
Et, pour l'avenir, tous laissent le soin aux syndicalistes et à Holco de porter éventuellement le chapeau pour les conséquences...
Marianne LAMIRAL
Île de la Réunion : trois semaines de grève dans un groupe de travaux publics
Informé sur le fait que l'entreprise où ils travaillaient, depuis presque vingt ans pour certains, prétendait avoir de grosses difficultés financières, au point que les salaires de juillet risquaient de ne pas être payés, les 145 travailleurs des entreprises Gouvernet et Sobépré, dans l'Île de la Réunion ont arrêté le travail mardi 23 juillet. Il s'agissait pour eux d'avoir plus d'explications face au risque de fermeture de leur entreprise et de montrer qu'ils n'étaient pas décidés à se laisser faire.
Depuis environ trois ans, le patron de ces deux entreprises a comme intention de licencier un maximum de travailleurs permanents, quitte à les remplacer si nécessaire par des intérimaires. Deux grèves d'un peu plus d'un mois chacune avaient déjà été menées pour contrecarrer de tels plans.
Il y a deux ans, des négociations avaient commencé avec un obscur groupe financier suisse, la Iode, qui a finalement racheté plusieurs entreprises réunionnaises de travaux publics, dont Gouvernet et Sobépré.
Après quatre jours de grève, sans aucun soutien syndical, ni de la part de la CFDT, majoritaire dans l'entreprise, ni de celle de la CGTR, la tension est brusquement montée parmi les grévistes quand ils se sont aperçus que des sous-traitants venaient au grand jour s'emparer du matériel, sans que la direction lève le petit doigt. Les travailleurs craignaient qu'on les mette devant un fait accompli : " Il n'y a plus de travail pour vous car il n'y a plus d'outil de travail ". Les grévistes prirent alors la décision de surveiller eux-mêmes les machines, camions porte-charges, fourgons, tracto-pelles... De plus, c'est à partir de ce moment que les mobiles GSM et les voitures de fonction de certains cadres furent réquisitionnés pour les besoins de la grève.
Le vendredi 26 juillet, les grévistes sont allés voir le dirigeant de la CFDT, celui-là même qui avait été avec les patrons réunionnais négocier à Genève le rachat par le groupe Iode de plusieurs entreprises de l'île. Ils voulaient lui demander de faire grève puisque lui aussi est salarié d'une entreprise du groupe, la SIR. La réponse du responsable syndical a été on ne peut plus nette : " Bien sûr il y aura 100 licenciements chez vous, a-t-il dit, mais est-ce que pour cela il faut prendre le risque de faire licencier les 400 que compte le groupe ? "
Au milieu de la semaine suivante, les ouvriers ont décidé de durcir leurs actions en s'adressant à d'autres travailleurs de la zone industrielle, puis en bloquant le centre-ville de Saint-Benoît.
Le vendredi 3 août, des grévistes sont allés à la SIR, une des autres entreprises du groupe pour discuter avec les ouvriers qui, dans la journée, ont voté la grève. Ensemble, ceux de Gouvernet, de Sobépré et de la SIR ont décidé de bloquer les cinq entreprises que compte le groupe, ce qui fut fait lundi 6 et mardi 7 août. Seulement, le lendemain, prenant prétexte que les salaires de juillet avaient été versés, le délégué syndical CFDT a fait voter la fin de la grève dans son entreprise, la SIR. Beaucoup d'ouvriers auraient voulu continuer mais n'étaient pas prêts à le faire sans le syndicat.
Dès lors, les ouvriers de Gouvernet et Sobépré se sont sentis un peu plus isolés. La reprise était dans l'air mais les ouvriers ont tenu à ce qu'elle se fasse au mieux. Les grévistes ont ainsi obtenu de ne discuter qu'avec les dirigeants de l'entreprise qu'ils ont préalablement acceptés comme interlocuteurs. De nouveaux travaux devraient être confiés aux ouvriers et les heures de grèves ont été payées.
Bien sûr les grévistes sont toujours inquiets pour leur avenir. Tous savent bien que rien n'est vraiment réglé. Mais tous reconnaissent aussi l'utilité de leur action et se sentent prêts à remettre cela s'il le faut.