Il y a 30 ans : La fin du système de Bretton-Woods10/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1726.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a 30 ans : La fin du système de Bretton-Woods

Le 15 août 1971, le président américain Richard Nixon annonçait la fin de la convertibilité du dollar en or. Au-delà de ses aspects monétaires, cette mesure marquait la fin de l'ordre économique mondial imposé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par l'impérialisme américain victorieux. Surtout, elle marquait le retour du marché mondial à l'instabilité économique et monétaire qui l'avait dominé pendant l'entre-deux-guerres, instabilité qui ne s'était "résolue", si l'on peut dire, que par la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale.

Cet ordre économique mondial de l'après-guerre remontait aux accords de Bretton-Woods, signés le 1er juillet 1944 dans la ville américaine du même nom, par les représentants de 44 pays sous l'égide des USA. Le système dit "de Bretton-Woods" qu'il mit en place consacra la domination mondiale de l'économie américaine. Il fit du dollar la clé de voûte d'un système monétaire dans lequel chaque monnaie se vit attribuer un taux de change fixe par rapport au dollar, tandis que le dollar lui-même devenait la seule monnaie convertible en or, c'est-à-dire dotée d'une valeur arbitraire fixe en or reconnue sur toutes les places financières. Pour consolider le tout, des institutions furent mises en place pour fournir aux pays en difficultés des prêts destinés à éviter tout ce qui pourrait menacer la stabilité de l'ensemble : c'est ainsi que virent le jour le Fonds Monétaire International et l'ancêtre de l'actuelle Banque Mondiale.

Ce cadre institutionnel facilita par la suite le redémarrage de la production et du commerce dans les pays dont l'économie avait été partiellement ou totalement détruite par la guerre. Les centaines de milliards de dollars du plan Marshall, à partir de 1947, y furent pour beaucoup, même si en même temps ils permirent aux grands trusts américains de bénéficier du pactole d'un marché qu'ils étaient seuls à pouvoir approvisionner. Mais rien de tout cela n'aurait été possible sans le rôle prédominant attribué au dollar par le système de Bretton-Woods.

Mais du même coup, la stabilité de ce système reposait entièrement sur celle de la monnaie qui en était le pivot. Or le dollar, bien que devenu monnaie universelle par la grâce de Bretton-Woods, n'en demeurait pas moins la monnaie d'un Etat. Et l'Etat américain ne se montra pas plus responsable que ses homologues européens dans sa politique monétaire. Tout comme la France et les autres, il fit marcher la planche à billets au profit de ses trusts, mais sur une tout autre échelle.

En particulier la polique de grande puissance de l'impérialisme américain, d'abord au travers de l'armement de Taïwan contre la Chine de Mao Tsé-toung puis dans la guerre de Corée et surtout celle du Vietnam, prit une telle ampleur que les dépenses militaires de Washington finirent par représenter la moitié de son budget.

La masse des dollars en circulation dans le monde augmenta dans des proportions fabuleuses, au point que dès le début des années 1960 la convertibilité du dollar en or au taux officiel commença à faire figure de fiction. Tandis que l'inflation augmentait aux USA, comme d'ailleurs pratiquement partout ailleurs, la spéculation monétaire revint au goût du jour, sous la forme d'une ruée sur l'or. Ce mouvement spéculatif menaça de vider les réserves des banques centrales, y compris aux USA. A la fin des années 1960, la situation avait déjà atteint un seuil critique. Diverses tentatives américaines visant à endiguer la spéculation par une mise en commun des réserves d'or des banques centrales tournèrent court. Et ce fut pour éviter la banqueroute du système de Bretton-Woods que Nixon dut mettre fin à ses jours "en douceur" par sa déclaration d'août 1971.

On connaît la suite. Privées de leur lien fictif avec l'or, les monnaies apparurent pour ce qu'elles sont réellement : des armes dans la guerre économique que se livrent les bourgeoisies rivales. Les trente années suivantes virent se succéder des fluctuations plus ou moins brutales entre monnaies flottant les unes par rapport aux autres, reflets de rapports de force économiques, et de dévaluations "compétitives" destinées à damer le pion aux impérialismes concurrents.

Mais surtout, les soubresauts qui avaient mis à bas le système de Bretton-Woods n'étaient en fait que l'expression monétaire de la crise générale de l'économie capitaliste, brièvement suspendue pendant la période de reconstruction et de reprise de la consommation dans les pays riches qui avait marqué l'après-guerre. Le marché mondial se trouvait de nouveau engorgé par l'anarchie de la production capitaliste. En 1973, cette crise éclata sous la forme d'une récession générale et, trente ans après, ce sont toujours les hauts et les bas de la même crise que nous subissons.

Cette période de stabilité ne fut donc qu'un intermède circonstanciel rendu possible par les conditions créées par la Seconde Guerre mondiale. Mais, tout comme les bourgeoisies veulent imposer aujourd'hui aux classes laborieuses de payer les frais du maintien de leurs profits, elles firent payer alors aux mêmes classes laborieuses les frais de cette stabilité artificielle, par le biais, en particulier, des bas salaires et de l'inflation. Contrairement à ce que peuvent dire certains, y compris à gauche, les travailleurs n'ont donc pas lieu de regretter cette stabilité-là. Tout au plus le souvenir des 26 années de l'après-guerre est-il là pour rappeler que, même réglementé, le système capitaliste reste au service des exploiteurs et que c'est ce système qu'il faut abattre.

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