Espagne : Au Pays Basque, un nouveau gouvernement, de nouveaux attentats03/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1725.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Au Pays Basque, un nouveau gouvernement, de nouveaux attentats

Avec la mise en place du nouveau gouvernement basque, issu des élections au Parlement régional de mai dernier, les actions terroristes de l'ETA 'ont connu de nouveaux développements 'au cours du mois 'de juillet.

Le 10 juillet, le jour précédant l'investiture du nouveau président du gouvernement basque, Ibarretxe, 'du Parti Nationaliste Basque (PNV), l'ETA a assassiné un policier 'à Madrid. Le 14 juillet, le jour où Ibarretxe prêtait serment, on assassinait un conseiller 'de Navarre, membre 'de l'Union du Peuple de Navarre (UPN), groupe politique situé 'à la droite du Parti Populaire d'Aznar, le parti au gouvernement en Espagne, ainsi que, par ailleurs, un membre de la police basque, affilié au syndicat nationaliste basque ELA, syndicat lié 'au PNV, qui, majoritaire dans le gouvernement basque, contrôle 'la police basque.

Le 24 juillet, une militante supposée 'de l'ETA se tuait en manipulant une bombe dans une localité près d'Alicante, et l'explosion faisait sept blessés, dont quatre enfants. Le 27, la destruction d'une succursale de banque dans 'le centre de Barcelone faisait trois blessés. La veille, on avait découvert une voiture piégée placée dans l'aéroport de Malaga. Cette fois, l'ETA vise plus particulièrement des centres touristiques.

Sortie plus isolée des dernières élections au Parlement basque, Herri Batasuna (aujourd'hui Batasuna), l'aile politique de l'ETA, a vu sa représentation diminuée. Le gouvernement de Madrid a continué néanmoins de faire pression sur les nationalistes modérés au pouvoir pour qu'ils mettent l'ETA au ban de la vie politique et a pris ainsi le risque délibéré d'acculer l'ETA à un durcissement de ses actions terroristes.

Cela dit, cette intransigeance des gouvernements successifs de l'Etat espagnol ne justifie nullement le choix fait à nouveau par les dirigeants de l'ETA de multiplier les attentats criminels et de prendre le risque de tuer n'importe où, n'importe quand, touristes, travailleurs, passants. Ils entendent par cette politique démontrer qu'ils sont une force incontournable. Ils y parviendront peut-être, mais leur lutte n'a rien à voir avec un combat pour plus de liberté, plus de justice, ni au Pays Basque ni dans le reste de l'Espagne.

Faire pression sur les nationalistes modérés au pouvoir

Depuis la fin de la trêve en décembre 1999, l'ETA a assassiné 34 personnes. Ce n'est pas la première fois que l'ETA déchaîne une vague d'attentats, mais dans ce cas il apparaît que son intention la plus visible est de faire pression sur le PNV, dont l'ETA considère la politique comme trop modérée par rapport à la " construction nationale d'Euskadi " - c'est d'ailleurs ce qui fut le motif de la rupture de la trêve. Et aussi de démontrer que, malgré l'important recul électoral de la coalition nationaliste indépendantiste liée à l'ETA, qui se présentait sous le nom d'Euskal Herritarrok (elle a perdu plus de 7 % de ses voix et la moitié de ses députés par rapport aux élections de 1998, qui avaient lieu en pleine trêve de l'ETA), l'ETA, elle, reste malgré tout bien présente et que l'on doit toujours compter avec elle.

Les élections du gouvernement autonome basque de mai dernier, malgré une campagne fortement polarisée, ont abouti à un net succès de la coalition nationaliste modérée PNV-EA (Eusko Alkartasuna), face aux partis nationaux, Parti Populaire et PSOE (le Parti Socialiste espagnol), qui avaient mené une campagne fortement antinationaliste. Il est possible que la coalition PNV-EA ait bénéficié du vote " utile " de larges secteurs de la population basque, craignant le triomphe du Parti Populaire, et d'une partie des électeurs de Euskal Herritarrok lassés du terrorisme de l'ETA.

Quoi qu'il en soit, la large victoire électorale du PNV a renforcé sa position face au gouvernement de Madrid, mais également face au nationalisme radical, en lui permettant une plus grande marge de manoeuvre pour rechercher des appuis aussi bien auprès du PSOE, lui-même amoindri par son échec électoral, qu'auprès d'Izquierda Unida (la coalition électorale du Parti Communiste Espagnol), disposée à entrer dans le gouvernement nationaliste, ou même auprès de Batasuna, fragilisée sur le plan parlementaire et disposant de beaucoup moins de moyens pour arbitrer le gouvernement basque que dans la législature précédente.

Le renforcement de sa position a permis au PNV de développer ses calculs politiques traditionnellement ambigus. Pendant la campagne électorale et avant l'investiture de Ibarretxe, la coalition PNV-EA insistait sur le droit à l'autodétermination, mais dans son discours d'investiture Ibarretxe a été beaucoup plus modéré. Il a éludé les références à l'autodétermination, en même temps qu'il présentait le Parlement basque comme le lieu pour développer une politique de " pacification et de normalisation de Euskadi ". En même temps, il se fixait comme objectif le développement complet du statut d'autonomie, et quel que soit le changement ou le dépassement du statut actuel d'autonomie, cela devait se faire dans le cadre légal établi. Dans le même discours, il a annoncé une politique plus dure face à l'ETA, impliquant de façon plus décisive la police basque en même temps qu'une plus grande collaboration avec la police espagnole.

Une rencontre entre Ibarretxe et le chef du gouvernement José Maria Aznar est d'ailleurs prévue le 31 juillet.

Il est très probable que l'ETA, à travers ces derniers attentats, cherche à avertir le PNV des conséquences qu'entraîneraient une rupture de sa part avec le nationalisme radical et un rapprochement avec le pouvoir central. Dans une interview récente publiée dans les journaux, Gara et Egunkaria, les porte-parole de l'ETA ont averti la coalition PNV-EA qu'elle doit utiliser son succès électoral pour approfondir la souveraineté de l'Etat basque et rompre avec le cadre du statut d'autonomie.

De son côté, le gouvernement central continue de ne pas chercher une solution politique au problème basque et continue de défendre encore et toujours la solution répressive, une voie dans laquelle il tente d'entraîner le PNV pour en finir avec l'ETA. Pour le Parti Populaire, le problème basque n'existe pas, il n'y a qu'un problème de terrorisme et toute concession politique au nationalisme reste pour le gouvernement d'Aznar une concession au terrorisme, au point qu'il refuse la révision du statut d'autonomie que propose Ibarretxe.

La polarisation sur la question nationale que les uns et les autres cultivent permet de faire passer au second plan les problèmes sociaux et concrets de la population basque et espagnole, au point que Aznar, le chef du gouvernement, s'est permis de dire que le seul problème qui existe en Espagne, c'est celui du terrorisme.

Il est certain que tous les gouvernements centraux refusent systématiquement de satisfaire le sentiment national d'une grande partie de la population basque, et qu'ils répriment constamment le nationalisme radical.

Mais de leur côté, les dirigeants de l'ETA, avec ces attentats sanglants dirigés vers le PNV, creusent consciemment un fossé entre les nationalistes et le reste de la population basque, et entre le peuple basque et la population des autres régions d'Espagne.

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