200 000 personnes à Gênes et ici, nous sommes des millions03/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1725.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

200 000 personnes à Gênes et ici, nous sommes des millions

Le chef du gouvernement italien, milliardaire et roi de la télé-poubelle, Silvio Berlusconi, commence à être embarrassé par le bilan du sommet du G8 à Gênes, même s'il avait commencé par soutenir les responsables de la répression. Après la mort, le 21 juillet, d'un manifestant de 23 ans, Carlo Giuliani, abattu d'une balle dans la tête, la police a persisté et signé en saccageant le siège des contre-manifestants. Des dizaines de témoignages ont raconté les incarcérations arbitraires, les passages à tabac de plusieurs heures, des sévices proches de la torture. Bref, " une galerie des horreurs ", comme a dû le reconnaître un magistrat.

Le gouvernement italien, tout en refusant une mission parlementaire d'enquête, a donc dû en rabattre un peu. A vrai dire, ce gouvernement de coalition droite/extrême-droite n'est pas le seul à être gêné aux entournures. La gauche italienne n'ose pas non plus trop élever la voix contre la répression... tout simplement parce qu'elle a grandement contribué à la préparer, avant de céder le pouvoir il y a moins de trois mois ! C'est même un ministre de l'intérieur de gauche qui avait concocté le dispositif de protection du sommet...

Bref, les matraques génoises n'avaient rien de spécifiquement de droite. Elles rappelaient simplement les fonctions premières d'un Etat bourgeois semblable au nôtre, derrière les façades démocratiques : protéger l'ordre des riches, que symbolisait cette réunion de responsables des huit pays les plus puissants du monde. Défendre cet ordre mondial dans lequel les 225 plus grandes fortunes représentent le revenu annuel des deux milliards et demi des plus pauvres, où la faim ou des maladies qu'on sait guérir depuis des décennies tuent encore des millions de personnes tous les ans, et où l'aumône que les huit " grandes démocraties " font aux pays pauvres pour lutter contre le Sida ne représente que le tiers des dividendes versées en 2001 aux actionnaires de Marks & Spencer.

Cet ordre-là est révoltant. Certes, ce n'est pas à l'occasion de réunions comme Gênes que les capitalistes prennent leurs décisions fondamentales. Les grands patrons, dont les choix décident de la vie de millions de travailleurs ici ou dans le Tiers-monde, n'ont pas besoin de ces sommets pour imposer leur dictature. Mais ces sommets symbolisent bien l'ignominie des puissants et les 200 000 personnes qui étaient à Gênes avaient mille fois raison de manifester leur révolte. L'importance de cette manifestation internationale montre que la résignation n'est pas une fatalité, que quantité de gens de par le monde sont prêts à lutter pour une autre vie que celle qu'on veut nous imposer partout au nom de la loi du profit. Elle montre aussi qu'il n'y a pas que la mondialisation capitaliste, mais que la mondialisation de la contestation est possible, donc que la mondialisation de la solidarité et de la lutte des exploités l'est aussi.

Ici, pour les travailleurs, les raisons de se battre ne manquent pas, et d'abord la vague des quarante mille licenciements annoncés depuis avril, plus les quarante mille autres annoncés pour le monde fin juillet. Les jeunes contestataires, venus de différents pays, ont réussi une impressionnante manifestation à Gênes qui, à sa façon, a valeur d'exemple. Cela signifie que les travailleurs pourraient également engager un mouvement bien plus profond, irrésistible, un tous ensemble qui aurait d'immenses répercussions ici comme ailleurs, qui donnerait également des idées aux travailleurs des autres pays. Un mouvement capable d'entraîner toutes les couches populaires de la société et dont les échos au-delà des frontières donneraient des sueurs froides non seulement à nos Jospin ou Chirac bien de chez nous, mais à tous les Berlusconi, Poutine, Koisimi, Bush et autres commis des grands patrons des multinationales. Bref, un mouvement véritablement capable d'ébranler le monde des puissants. Il faudra bien que la mondialisation des luttes ouvrières, le raz de marée de la riposte des exploités, commence quelque part !

Partager