La cour d'appel de Santiago a " suspendu temporairement pour raisons de santé " les poursuites contre le général Pinochet, en raison de la " dégradation de sa santé mentale ". Mais comme avec l'âge cela ne risque pas de s'arranger, cela revient à un abandon de toute perspective de procès.

C'était déjà sous le prétexte d'une dégradation physique que la justice anglaise avait laissé partir le vieux dictateur en mars 1999. Parti en chaise roulante de l'aéroport de Londres, il avait littéralement sauté dans les bras du haut état-major chilien rassemblé au grand complet pour lui rendre les honneurs à son arrivée à Santiago.

Le général Pinochet, responsable de tortures et de crimes de masse, avait lui-même organisé son auto-immunité en se faisant nommer sénateur à vie après son départ de la tête des armées en mars 1997. Et cela avec l'approbation des parlementaires chiliens. La justice vient donc de décider qu'il resterait probablement à jamais impuni pour ses crimes. Cette solution semble arranger l'ensemble de l'appareil d'Etat, l'armée qui n'avait cessé de protester contre la mise en cause de Pinochet, le gouvernement qui a envoyé ces jours derniers la police et ses canons à eau contre les manifestants, et même l'appareil judiciaire qui se débarrasse ainsi d'une vieille épine dans le pied à bon compte. Une décision prise en accord avec l'impérialisme américain qui est intervenu plus ou moins discrètement pour soutenir son vieil allié Pinochet. Il a bien mérité de tous ces gens-là, en contribuant à éliminer toute une génération de militants ouvriers.

Restent l'amertume pour tous ceux qui gardaient quelques illusions en la " justice " en place, et la colère pour tous les autres : les proches des victimes, des disparus, des torturés, des exilés, tous ceux qui ne peuvent supporter l'injustice d'une société qui protège de vieux assassins fiers de leurs crimes. Oui, pour ceux-là, voir Pinochet en prison aurait été au moins une petite revanche.