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Allemagne : Quand le SPD fait des cadeaux à la bureaucratie syndicale
Fin juin, le Bundestag, l'Assemblée nationale allemande, a adopté, avec les voix du SPD, des Verts et du PDS, une réforme de la "loi sur la constitution des entreprises", qui régit les rapports patronat/syndicat et en particulier ce qu'on appelle outre-Rhin la cogestion. Le nouveau texte entrera opportunément en vigueur début 2002, pour les prochaines élections aux Conseils d'entreprise, dont les membres cumulent, en gros, les fonctions correspondant aux délégués du personnel et aux délégués aux Comités d'entreprise en France.
La réforme facilite en particulier l'élection des délégués dans les PME. Leur nombre est augmenté dans les entreprises de plus de 100 salariés, passant ainsi de 5 à 7 pour une entreprise de cette taille. Et surtout ils peuvent être détachés de leur travail sans limitation de durée dans celles qui ont plus de 200 salariés (jusqu'à présent la barre se situait à 300 salariés).
Enfin les Conseils voient leur champ d'intervention un peu élargi et ils reçoivent un droit de cogestion en ce qui concerne la formation continue des salariés.
Bien sûr, les partis de droite (CDU, CSU) et du centre (FDP) ainsi que le patronat, ont protesté, mettant en avant le coût "exorbitant" d'une telle mesure. Nous laisserons volontiers les membres d'une des bourgeoisies les plus riches d'Europe pleurer des larmes de crocodile. Mais du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, cette réforme n'est nullement un cadeau. Elle ne lui donne pas plus de moyens pour se défendre contre les attaques dont elle est victime, de la part du patronat... comme du gouvernement social-démocrate.
Les syndicats sont, en Allemagne, encore plus bureaucratisés et intégrés dans l'appareil d'Etat que leurs homologues français. Depuis très longtemps déjà, ce qu'on appelle la cogestion, c'est-à-dire le fait que dans les entreprises de plus de 2000 personnes, le Conseil de surveillance est composé à parité de délégués du personnel et de représentants des actionnaires, n'est qu'un leurre. Cette pratique a surtout rendu l'immense majorité des militants syndicaux très responsables des intérêts patronaux et elle a largement contribué à assurer la paix sociale, au profit de la bourgeoisie évidemment.
L'extension des droits des Conseils d'entreprise récemment décidée n'est en fait qu'un cadeau supplémentaire aux dirigeants syndicaux. Cela faisait partie des promesses électorales de Schröder en 1998. Le débat sur cette réforme s'était en fait engagé au début de cette année, au moment même où le gouvernement faisait adopter son projet d'introduction de retraites par capitalisaiton, via des fonds de pension, dans l'assurance vieillesse. La direction du DGB, le grand syndicat allemand, n'avait alors absolument pas combattu ce projet, mais plutôt saboté les quelques tentatives de protestation qui s'étaient fait jour. Aujourd'hui, la bureaucratie syndicale est donc récompensée de ses bons et loyaux services par des postes de permanents supplémentaires, lui permettant de vivre grassement malgré le recul des effectifs syndicaux (le DGB a perdu 750000 membres entre 1996 et fin 2000). Déjà en 1972, c'est un gouvernment social-démocrate, celui de Willy Brandt, qui avait porté le mandat des Conseils d'entreprise de deux à trois ans, les rendant ainsi encore plus indépendants du contrôle des travailleurs.
Alors si la classe ouvrière allemande veut prendre le chemin de la lutte pour la défense de ses intérêts, elle devra aussi choisir en son sein d'autres représentants que ceux-là.