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- Lutte ouvrière n°1720
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Tchad : La "réélection" du dictateur Idriss Deby - fraude électorale massive
Au Tchad, le dictateur Idriss Deby a été réélu le 20 mai dès le premier tour pour un second mandat présidentiel de cinq ans, avec 67,3 % des suffrages, au terme d'une élection entachée de multiples fraudes et contestée par les observateurs comme par les partis de l'opposition.
Parvenu au pouvoir, il y a dix ans, lors d'un coup d'Etat organisé avec l'aide des services secrets français, Idriss Deby avait chassé son ancien mentor Hissène Habré. Depuis, il fait régner la dictature sur le Tchad, dans ce pays sahélien qui compte 7,5 millions d'habitants et où 80 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour (soit 7,50 francs). Régnant sur ce pays pauvre et enclavé, Deby a tenté de légitimer sa dictature en se faisant élire président en 1996. A l'époque, l'essentiel de la fraude (déjà !) avait eu lieu lors du dépouillement. Bourrages d'urnes et procès-verbaux grossièrement trafiqués par les fonctionnaires du ministère de l'Intérieur lui avaient permis de sortir "vainqueur" des urnes.
Une fraude organisée à grande échelle
Aujourd'hui, le dictateur se paye le luxe de varier les plaisirs dans les fraudes. A commencer par le recensement qui est à la base même du scrutin. Le nombre des électeurs du nord (région qui lui est favorable) a littéralement explosé, tandis que celui de ceux des régions du sud, réputées plus hostiles, a été en partie amputé. Les électeurs ont ainsi fait un bond spectaculaire, passant de 3,6 à 4 millions, soit un gain de 11 %. La loi électorale est à la base même de cette fraude car elle autorise l'électeur, pour le recensement ou pour le vote, à se présenter sur la seule base du témoignage, ce qui laisse toute possibilité de voter plusieurs fois.
Mais la fraude ne s'arrête pas là. Contrôlant les tribus nomades du nord, le pouvoir a systématiquement chassé les représentants des candidats de l'opposition venus vérifier la régularité du scrutin. La fraude a été importante concernant le vote du demi-million de Tchadiens expatriés à l'étranger (soit 12 % du corps électoral) notamment en Libye, au Soudan et en Arabie Saoudite. Urnes volées, bourrages d'urnes, votes multiples. Certains bureaux de votes ont été installés dans les casernes militaires comme à Abéché, dans l'est du pays, et dans la capitale N'Djamena. La France et l'Union Européenne ont financé les deux tiers de cette mascarade électorale, imprimant les bulletins de vote et fournissant les urnes, ce qui a coûté 47 millions de francs.
La population n'a rien à attendre de bon de ce dictateur qui a du sang sur les mains, "élu" pour la seconde fois président du Tchad. Elle vit dans la plus grande misère tandis que le clan d'Idriss Deby - les Zaghawas - a confisqué le pouvoir à son profit. Ses bandes armées et sa garde présidentielle multiplient les exactions et sèment la terreur dans le pays, notamment dans le sud. Elle n'a rien à attendre non plus des candidats de l'opposition qui, pour la plupart, sont des hiérarques du régime et qui ont joué dans ces élections leur carte personnelle, comme Jean-Bawoyeu Alingué ou le général Wadal Abdelkader Kamougué, qui ont déjà été respectivement Premier ministre et ministre dans le régime Deby. Ou encore Ngarledji Yorongar, principal opposant et... également ancien ministre ! Ces hiérarques peuvent demain se tailler un fief, armer quelques centaines d'hommes, se transformer en seigneurs de la guerre comme l'ancien ministre Youssouf Togoïmi, entré en rébellion armée contre le régime, et s'installer au Tibesti, au nord du pays, pour mener leur guérilla. Et ils peuvent commettre les mêmes atrocités s'ils accèdent au pouvoir, quand ils n'ont pas déjà été complices de celles du pouvoir actuel.
Des bandes armées au service de l'impérialisme
Depuis 1963, les bandes armées des différents seigneurs de la guerre entrent en rébellion, pillent le pays, massacrent les populations, occupent le pouvoir au gré des rapports de force. L'impérialisme français a joué de ces rivalités entre les peuples du Tchad et entre les ambitions de ces chefs de bandes, de Tombalbaye à Deby en passant par Maloum, Weddeye ou Habré. Ces derniers ont fait des peuples dont ils sont originaires la base même de leur pouvoir, écartant tous les autres, les enfermant ainsi dans le piège mortel du "clan", de la "tribu", et de "l'ethnisme". Ainsi Hissène Habré s'est appuyé tout au long de son règne sur les Goranes et Idriss Déby sur les Zaghawas. Emboîtant le pas à la politique de division de l'impérialisme, ces seigneurs de la guerre ont contribué au maintien de la domination de celui-ci sur l'économie du pays. Comme à l'accoutumée, l'impérialisme français a entretenu toutes ces divisions pour mieux régner. A chaque fois, il a tiré son épingle du jeu, soutenant invariablement l'homme fort du moment, qui imposait l'ordre dans l'intérêt des trusts français, pillant les matières premières comme le coton, ou le pétrole aujourd'hui.