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Dans le monde
Brésil : La grande panne ?
La population brésilienne est sous le coup d'un nouveau plan d'austérité... électrique celui-ci. Le 4 juin, le rationnement a été instauré, pour cinq mois. A partir d'une consommation de 125 kWh, les particuliers devront réduire celle-ci de 20 %.
Les prix seront modulés : normaux jusqu'à 200 kWh, ils subiront une surtaxe de 50 % entre 200 et 500 kWh, puis de 200 % au-dessus. Les contrevenants risquent une coupure de trois jours sans préavis en juillet, puis de quatre à six jours en cas de récidive. Pour les champions des économies d'énergie, il y aurait en revanche des détaxes. Le gouvernement assure que les gros consommateurs, les plus riches, seront les premiers frappés, mais il n'y a personne pour le croire.
La raison de ce rationnement décidé et appliqué en catastrophe : une pénurie d'électricité menace le pays. L'électricité provient à 97 % de centrales hydroélectriques, or l'été a été sec et les organismes publics de contrôle viennent seulement de s'apercevoir que le niveau des barrages est dangereusement bas. Il faudra attendre jusqu'en novembre le retour de la saison des pluies.
Si les barrages se vidaient complètement, l'électricité serait alors produite "au fil de l'eau", en fonction du débit des cours d'eau à un moment donné. La production serait irrégulière. Tout le pays, dont le réseau est coordonné, risquerait des coupures et des baisses de tension imprévisibles. Ce serait le chaos pour la production industrielle, une partie des transports, l'éclairage public, la fourniture d'eau, les feux de circulation, les ascenseurs, les frigidaires et congélateurs, les télévisions et tout l'appareillage ménager.
Mais si le pays est ainsi à la merci d'une relative sécheresse, c'est que l'Etat a comprimé toutes les dépenses d'investissement, obéissant aux consignes d'austérité du Fonds monétaire international. Quant aux entreprises privées ou privatisées de production ou de distribution d'électricité, elles ont carrément cessé d'investir. Leur seul objectif est d'encaisser le plus possible, le plus vite possible. L'avenir et le service des usagers, elles s'en moquent.
C'est par exemple ce qui se passe depuis plusieurs années déjà à Rio de Janeiro, dont la compagnie distributrice Light a été vendue à un consortium international, à la tête duquel se trouve l'EDF française. Depuis cette privatisation, les coupures de courant paralysent périodiquement la ville.
La menace de la "grande panne" a d'ores et déjà des conséquences économiques. La monnaie brésilienne, qui souffre de la crise argentine et a déjà perdu 22 % depuis janvier, est à nouveau menacée. Certains patrons en ont déjà profité pour lancer des plans de licenciements.
Les politiciens aussi tentent de tirer profit de la situation. Le président Cardoso terminera son deuxième mandat en 2002. La course à la succession est ouverte et la crise de l'électricité est une bonne occasion pour tenter de se placer. Ainsi le gouverneur de l'important Etat de Minas Geraìs, l'ancien président Itamar Franco, qui assure ne pas avoir d'ambitions présidentielles, proclame qu'il refuse d'appliquer dans son Etat les sanctions prévues au niveau national, même si cela compromet le plan de rationnement...
Une crise en tout cas qui montre la nocivité des plans du FMI et le mépris et la corruption des politiciens nationaux.