L’eau trop chère, surtout quand elle est privatisée !11/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1713.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

L’eau trop chère, surtout quand elle est privatisée !

Une enquête sur le prix de l'eau, réalisée conjointement par le ministère de l'Agriculture et l'Institut français de l'environnement (Ifen), vient d'être publiée. Elle confirme le fait que le prix de l'eau est très variable, mais surtout, que ce prix est bien plus élevé quand la gestion de l'eau est privatisée.

Le prix du mètre cube d'eau varie dans une proportion de 1 à 4, entre 5,20 F et 20,70 F. Cette variation est fonction du lieu de résidence : l'eau est plus chère dans les communes rurales de Haute-Normandie (plus de 23 F le mètre cube) qu'en Auvergne (11 F). La taille des communes compte également : quand elles sont petites, l'eau est moins chère, car le traitement des eaux usées est individuel. Par contre, elle est plus chère quand le service est intercommunal. Mais c'est surtout le choix entre une gestion publique et une gestion privée qui fait la différence. Ainsi, selon l'étude, l'écart de prix entre gestion privée et gestion directe est de 27 % pour l'eau potable et de 20 % pour l'assainissement.

«Les entreprises privées se sont installées en priorité là où elles peuvent dégager des marges, notamment dans les zones les plus peuplées», explique le directeur de l'Ifen, Vincent Jacques le Seigneur. On veut bien le croire ! Du coup, l'eau est plus chère en Ile-de-France, en Picardie ou dans le Nord, c'est-à-dire dans des régions populaires.

Les entreprises privées justifient leurs tarifs en affirmant qu'elles doivent répercuter sur les factures des investissements exceptionnels. Cet argument est cependant à géométrie variable. La Lyonnaise des Eaux vient ainsi de faire condamner l'Etat, qui a été jugé responsable de la mauvaise qualité de l'eau en Bretagne, et non pas le trust qui en a pourtant la gestion ! Le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement devra donc rembourser à la Lyonnaise la somme qu'elle avait elle-même été condamnée à verser à des consommateurs du district de Guingamp dans les Côtes-d'Armor, qui s'étaient plaints que la quantité de nitrate dans l'eau du robinet dépassait la norme un jour sur trois. En outre, l'Etat devra indemniser l'entreprise pour le préjudice subi, soit au total 751 440 F. Aux yeux du tribunal administratif de Rennes, la Lyonnaise ne disposait pas des moyens «juridiques et techniques» de limiter la dégradation de l'eau ! Mais alors, à quoi servent ces frais d'investissement qui rendent les factures si salées pour de l'eau pleine de nitrate !

C'est depuis les lois de décentralisation de 1982, depuis que la gestion de l'eau relève de la compétence des municipalités, que la privatisation de ces services, déjà bien entamée, s'est accélérée. Les trusts se sont alors lancés dans une concurrence effrénée, alléchés par un marché très juteux, n'hésitant pas à le gagner à coups de pots-de-vin, comme cela fut le cas à Grenoble, du temps de Carignon. Et il n'y a plus aujourd'hui qu'un quart de la distribution de l'eau qui soit encore en régie municipale, alors que les trois quarts ont été concédés au privé. Deux grand trusts se partagent le marché : Vivendi (ex-Générale des Eaux) pour les deux tiers et la Lyonnaise des Eaux pour un tiers.

On voit le résultat : depuis 1990, en dix ans, les factures d'eau ont presque doublé, sans même que tous les travaux nécessaires pour l'assainissement des réseaux ne soient vraiment réalisés. Alors, au lieu de leur payer des dédommagements ou des indemnités pour faire cesser leur racket - comme à Grenoble, où la municipalité a dû débourser 86 millions de francs pour obtenir l'annulation par les tribunaux de la concession accordée par Carignon à la Lyonnaise des Eaux -, il serait plus que temps d'exproprier tous ces racketteurs, Vivendi ou Lyonnaise des Eaux !

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