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Amiante : Chronique d'une hécatombe annoncée
Le nombre de cancers dus à l'amiante serait "bien plus élevé que ne le laissaient penser les différentes estimations avancées jusqu'à ce jour par les épidémiologistes français , selon une enquête du Point. Les chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) estimaient qu'en 1996 il y avait eu 1 950 cancers de la plèvre et du poumon dus à l'amiante. L'estimation serait pour 1998 de 3 500.
Cette augmentation ne reflète pas seulement des méthodes de calcul différentes. Les estimations de l'Inserm reposent en effet sur le nombre de décès déclarés comme dus à l'amiante, alors que celles dont fait état le Point proviennent de données liées aux motifs d'hospitalisation dans les établissements publics et privés. Mais les spécialistes déclarent ces chiffres tout à fait vraisemblables.
Enfin l'enquête montre que le fléau atteint un périmètre de personnes bien plus large qu'on ne le pensait au départ. Aux ouvriers des usines de production et de transformation de l'amiante, qui en ont été les premières victimes, s'ajoutent ceux qui ont utilisé ce matériau ou qui ont travaillé dans des locaux qui en contenaient. Ainsi, plus du tiers des victimes sont des femmes. Par ailleurs, les cas de victimes de moins de 40 ans semblent se multiplier.
Ce que les différentes enquêtes ne soulignent pas assez, c'est que si on ne sait pas encore soigner ces cancers, on en connaît depuis longtemps la cause. Déjà en 1935, les effets cancérigènes de ce matériau avaient été signalés. A l'époque l'amiante était relativement peu employé. Mais le principe de précaution aurait voulu que son usage et, du coup, le travail sur ce matériau soient interdits.
Mais ses caractéristiques techniques et surtout son faible coût (donc son fort rapport pour les sociétés productrices) ont au contraire fait qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale il a été introduit dans des milliers de produits, allant des plaquettes de freins aux revêtements de sol, en passant par les isolants thermiques, les joints en caoutchouc et toutes les variétés de Fibrociment. On le qualifiait alors de "minerai magique .
Tant que seuls les ouvriers de production en mouraient, la société capitaliste fermait les yeux et estimait que c'était la rançon du progrès, en quelque sorte. C'est seulement quand des secteurs entiers de la population se sont inquiétés et mobilisés, dans les années 1970, que l'amiante a été soumis à une réglementation spéciale et, petit à petit, que sont utilisation a été écartée.
Il a fallu attendre janvier 1997 pour que la fabrication, l'importation et la plupart des usages de l'amiante soient interdits en France. Du coup un demi-siècle d'usage massif de ce matériau-poison va sans doute faire 100 000 morts d'ici 2025, selon les estimations admises, qui pourraient être révisées à la hausse.
Les fibres d'amiante sont certes un danger mortel pour l'organisme. Mais c'est la soif de profits qui, en se servant de cette arme, a, et en toute connaissance de cause, provoqué cette hécatombe.