Le capitalisme de haut vol : Seillière et ses prétendus "déboires"30/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1707.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le capitalisme de haut vol : Seillière et ses prétendus "déboires"

Tel le journal Le Monde qui, le 15 mars, a consacré une page à ce qu'il nomme "les mauvaises affaires du "patron des patrons"", une partie de la presse ironise sur le compte et les mécomptes supposés du baron Seillière, chef du MEDEF et par ailleurs actionnaire principal de trois compagnies aérienne (AOM, Air Liberté, Air littoral) connaissant des difficultés.

Outre qu'en l'occurence ce sont les 7 000 salariés de ces compagnies qui risquent de faire les frais de leurs problèmes actuels - ce qui ne semble guère émouvoir les journalistes, ni les pouvoirs publics -, et cela alors qu'eux n'y sont pour rien, les actionnaires desdites compagnies, on peut leur faire confiance pour cela, ont déjà dû prendre leurs dispositions pour s'en tirer sans dommage, et même pour tirer de gros profits d'éventuelles "faillites". C'est d'ailleurs une des façons dont la famille de Wendel et son chargé de pouvoir Seillière ont considérablement accru leur richesse dans un passé tout récent.

De Giscard et Mitterrand...

Héritière de "maîtres des forges", cette famille, qui possédait notamment le groupe Sacilor, a réalisé une juteuse opération avec ce que l'on a appelé la "crise de la sidérurgie", à la fin des années soixante-dix.

C'est l'Etat, en 1978 sous Giscard, qui a sauvé de la faillite les deux géants de la sidérurgie Sacilor et Usinor en reprenant à sa charge leurs dettes (22 millards de francs d'alors) et en entrant dans leur capital. 20 000 licenciements étaient annoncés et l'Etat, devenu principal actionnaire, prit à sa charge les indemnités des "plans de reconversion" et licenciements.

Puis, après l'élection de Mitterrand en 1981, la famille de Wendel réalisa une nouvelle bonne affaire : avec les nationalisations, présentées comme une mesure "de gauche", l'Etat lui reprit à prix d'or sa participation désormais minoritaire dans Sacilor.

Mais cela n'empêcha pas un des petits-fils de Maurice de Wendel de crier à la "spoliation". Encore peu connu du grand public, le baron Seillière, car c'était lui, en profita pour regrouper les participations que les de Wendel détenaient (encore) dans la sidérurgie et dans d'autres branches de l'industrie ou de la finance. Il les plaça dans une nouvelle société, la CGIP (Compagnie générale d'investissement et de participation), créée tout exprès, en Suisse. Le Premier ministre socialiste Mauroy, qui venait de payer rubis sur l'ongle de quoi constituer la CGIP, protesta pour la forme. Mais il laissa le baron mettre à l'abri l'immense fortune familiale sans qu'on l'incrimine d'évasion de capitaux et d'évasion fiscale.

... à Jospin

Les relations personnelles que Jospin et Seillière ont pu nouer, alors que tous deux étaient hauts fonctionnaires de la diplomatie française et auraient même partagé le même bureau, ont pu rapprocher les deux hommes. Elles n'ont d'ailleurs rien de bien original dans un monde où des relations étroites sont de règle entre le personnel politique de la bourgeoisie et les membres de celle-ci.

Mais, au-delà de l'aspect anecdotique de la chose, c'est toute la servilité du gouvernement socialiste devant la haute bourgeoisie qui s'en trouve illustrée.

Ainsi, dans l'affaire des trois compagnies aériennes, on n'a guère entendu les autorités gouvernementales. Même pas pour "s'étonner" que la holding Marine-Wendel de Seillière ait commencé par nier détenir la majorité dans ces compagnies. Puis, quand le pot aux roses fut découvert (ou plutôt révélé dans la presse, car les autorités ne pouvaient l'ignorer), quand il apparut que la famille de Wendel agissait par l'intermédiaire de sociétés écrans, certaines situées dans des paradis fiscaux, d'autres de droit néerlandais, le gouvernement s'est bien gardé de demander des explications. Ces sociétés, soit dit en passant mais ce n'est pas un détail, mettent la famille de Wendel à l'abri juridique des conséquences d'une faillite.

Les de Wendel ne sont certes pas les seuls "grands" du capitalisme français à avoir découvert les possibilités qu'offrent les "délocalisations" des sièges sociaux et le fait de pouvoir jouer sur des législations variées : Aventis, Pinault-Printemps-La Redoute, Alcatel, par exemple, s'abritent aussi aux Pays-Bas. Mais alors qu'éclatait l'"affaire " AOM-Air liberté-Air littoral, le gouvernement "socialiste" n'a même pas saisi l'occasion de critiquer la façon dont les Seillière et compagnie abritent des fortunes colossales au-delà des frontières.

Dans la peut-être déjà programmée faillite des trois compagnies aériennes, en tout cas dans leur dépeçage, il se trouvera bien un gouvernement pour invoquer la nécessité de préserver des emplois. Et, comme l'ont fait Giscard puis Mitterrand avec la sidérurgie, pour déverser des tomberaux de subventions aux actionnaires... en les laissant libres de licencier.

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