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Leur société
La pauvreté se porte bien
Une enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) récemment parue met en évidence l'importance et la stabilité du nombre de pauvres en France.
Par convention, une personne est pauvre quand l'ensemble de ses revenus (salaires, prestations sociales...) est inférieur à un plancher calculé par l'INSEE, actuellement 3 500 F par mois. C'est le cas de 7% de la population française, soit plus de quatre millions d'individus, et ce depuis plus de quinze ans.
Au début des années 1970, ce taux était deux fois plus élevé. Il s'agissait principalement de retraités, ne touchant que le minimum vieillesse ou une toute petite retraite. Progressivement, la situation des retraités s'est améliorée et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a nettement baissé. De là à conclure qu'il y aurait moins de pauvres, il y aurait évidemment un pas... car le seuil de 3 500 F de revenus est évidemment arbitraire. Comment pourrait-on dire qu'un salarié gagnant un peu plus, 4 000 F par mois par exemple, ne serait pas pauvre ?
Mais qui plus est, depuis le milieu des années 1980, le pourcentage des pauvres est bloqué à 7%. Et ce ne sont plus les retraités qui sont en cause, mais de plus en plus de salariés. Avec le développement de la précarité, du temps partiel imposé, de nombreux ouvriers, de nombreux employés, se retrouvent en dessous de ce fameux seuil. C'est en particulier le cas des moins de 25 ans : un jeune salarié sur cinq a un revenu inférieur à 3 500 F par mois et ne peut donc survivre qu'avec l'aide de sa famille.
Autrement dit, depuis plus de quinze ans, les employeurs ont réussi à faire accepter à toute une partie de la population, et spécialement aux jeunes, des salaires qui ne méritent même pas ce nom. Ils ont même réussi à faire prendre en charge par la collectivité une bonne partie de ces maigres ressources, car quand un de ces travailleurs pauvres touche 3 000 F, près de la moitié de cette somme provient en fait de diverses prestations sociales, entre autres les allocations chômage couvrant les périodes qui séparent deux missions d'intérim ou deux contrats à durée déterminée.
Mais les gouvernants n'en concluent pas pour autant qu'il est urgent d'augmenter de façon très importante les salaires et de faire passer à temps plein tous ceux qui le souhaitent. Non, Jospin, Guigou et les autres préfèrent préparer des " plans de lutte contre l'exclusion " qui consistent à rajouter, avec les fonds publics, quelques miettes aux maigres salaires des travailleurs pauvres plutôt que d'obliger les employeurs à leur verser des salaires décents. Il est de plus en plus question, par exemple, de continuer à donner le RMI à ceux qui viennent de trouver un petit boulot mal payé, ce qui ne peut que conforter les patrons dans le fait de verser des salaires ridicules. Ce n'est pas grave, l'État complétera...
C'est d'ailleurs la logique de cette "prime à l'emploi" que le gouvernement peine à mettre en place mais qui vise elle aussi à compléter (un tout petit peu) des revenus insuffisants pour vivre.
La pauvreté ne déclenche chez tous ces politiciens que compassion hypocrite et fausses solutions, du genre : prendre dans la poche de ceux qui n'ont pas grand-chose pour donner quelques miettes à ceux qui n'ont presque rien. De quoi déclencher dans tout le monde du travail une saine colère. Ce serait d'ailleurs le moyen, en inspirant la crainte au patronat, de faire remonter précipitamment les revenus du travail et de régler rapidement le problème des "travailleurs pauvres".