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Tunnel du Mont-Blanc : Une catastrophe annoncée
"Le tunnel était dangereux depuis trente ans". Telle est en substance la conclusion d'un rapport d'expertise sur l'incendie meurtrier survenu dans le tunnel du Mont-Blanc, le 24 mars 1999, qui a fait trente-neuf victimes.
Dès 1972, inquiet du danger de l'ouvrage, le préfet avait alerté le président de la société du tunnel, Edouard Balladur, sur la nécessité d'organiser des exercices de secours. Rien n'avait été fait. Le rapport d'expertise fait état de graves dysfonctionnements et de défaillances dans la procédure de sécurité. Un seul exercice d'évacuation organisé par le ministère de l'Intérieur avait eu lieu en plusieurs décennies d'exploitation ! Selon les experts, lors de l'accident en 1999, les feux de signalisation à l'intérieur du tunnel auraient été actionnés avec neuf minutes de retard par rapport au déclenchement de l'alerte. Ce qui a eu pour conséquence dramatique de laisser rouler des voitures vers le coeur même du brasier. Autre conclusion du rapport : "Les investissements en informatique ont été affectés essentiellement au péage, au détriment de la sécurité". Et tout est de la même veine.
On peut en conclure que cette catastrophe ne doit absolument rien à la fatalité. Seul le souci du profit des gestionnaires de la société ATMB (Autoroutes du tunnel du Mont-Blanc) est responsable. Ces économies, réalisées pendant des décennies au mépris des plus élémentaires règles de sécurité des usagers du tunnel, sont allées grossir le portefeuille des dirigeants de l'ATMB. La société d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc a toujours été une sinécure de la République en permettant de recaser les copains tout en étant fort lucrative, rapportant le pactole à ses dirigeants. Nombre d'hommes politiques de droite, à l'instar de Balladur, y sont passés. Construit en 1965, le tunnel du Mont-Blanc avait pour vocation, selon les responsables du projet, de faciliter aux touristes le franchissement de la frontière entre la France et l'Italie. Mais très vite, l'accroissement considérable du trafic des poids lourds le rendait inadapté et dangereux (avant sa fermeture, plus de 800 000 camions par an passaient par le tunnel).
Aujourd'hui, les dirigeants de l'ATMB affirment que tout est réglé. Le tunnel aurait été totalement repensé. Les travaux de sécurité seraient finis et le tunnel pourrait donc prochainement être rouvert à la circulation des poids lourds. Mais l'association des victimes et les pompiers de Haute-Savoie dénoncent une telle précipitation des dirigeants de l'ATMB (les mêmes qu'au moment du drame). Ils attirent l'attention sur les carences du plan de secours mis au point pour la durée des travaux et surtout sur l'insuffisance des travaux de sécurité qui ont pourtant coûté 2 milliards de francs au lieu du 1,4 milliard initialement prévu. Selon les pompiers de Haute-Savoie, les travaux ont été réalisés a minima. Les deux sociétés gérantes, l'une française et l'autre italienne, se seraient contentées de transformer une ancienne gaine d'air frais en voie d'évacuation. Comment transporter sérieusement des blessés et du matériel d'incendie dans un tunnel de 1,40 mètre de large, protestent à juste titre les pompiers ?
Cette volonté de rouvrir le tunnel à tout prix masque mal les appétits des dirigeants de l'ATMB qui espèrent le retour de la plus grande partie du trafic poids lourds. Pourtant il existe des solutions de rechange, comme le ferroutage, mais qui nécessitent des investissements, et donc des délais. La précipitation des dirigeants de l'ATMB signifie de nouveau : pollution, risque d'accidents, nuisances sonores pour les populations riveraines, voire des catastrophes futures pour les usagers du tunnel. C'est le prix que les usagers risquent de payer pour que quelques profiteurs empochent.