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- Lutte ouvrière n°1706
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Leur société
À bas l'impôt !
C'est la période des déclarations d'impôts et les travailleurs n'ont guère le moyen de jouer à cache-cache avec le fisc. La déclaration en retard vaut une surtaxe, et l'impôt non payé une saisie sur salaire. Les PDG et les gros contribuables ont bien d'autres moyens de ruser avec les services des impôts, tout d'abord parce qu'ils se paient les services de spécialistes, experts dans l'art de trouver les failles, les "niches" qui leur permettront de passer au travers des mailles de la fiscalité. Mais aussi parce que, quand certains d'entre eux sont pris en faute, ils peuvent espérer trouver l'oreille complaisante d'un haut fonctionnaire, ou même d'un ministre qui leur propose une "honorable" transaction.
Cette inégalité de traitement dans le recouvrement de l'impôt ne fait que refléter celle, plus générale, de tout le système fiscal. L'impôt "saigne le malheureux", mais il est beaucoup plus doux pour les riches. Il s'agirait, nous dit-on, d'un prélèvement sur les revenus de chacun, destiné à financer les services nécessaires à l'ensemble de la collectivité. Cela n'aurait en soi rien d'illégitime, sauf que précisément il s'agit d'un conte - ou plutôt d'un compte - de fées. Dans la réalité, la population laborieuse paie la plus grande partie de l'impôt, et au bout du compte elle n'en bénéficie que pour une faible part. Le plus gros des sommes prélevées par le fisc sur les revenus des travailleurs sert à financer une machine d'Etat qui n'est pas au service des catégories populaires, quand elle ne subventionne pas, sous une forme ou sous une autre, les capitalistes.
Pour ce qui est de payer, les salariés sont en bonne place. En tant que consommateurs, ils assurent déjà tout au long de l'année l'essentiel qui provient de la TVA et de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers. Ces impôts indirects pèsent proportionnellement bien plus lourd sur le budget des familles ouvrières que sur celui des couches aisées de la population. Quant à l'impôt sur le revenu, celui pour lequel on fait les déclarations d'impôt, s'il est censé être progressif au travers des tranches d'imposition, c'est tout de même la population laborieuse qui, là encore, en assure l'immense majorité des rentrées d'argent.
La pression fiscale sur les couches aisées n'a cessé de baisser. Le taux supérieur de cet impôt sur le revenu, qui était de 60 % il y a vingt ans, est aujourd'hui de 53,25 % et Fabius a programmé qu'il sera de 52,5 % en 2003. De plus, à ce niveau-là, il existe de multiples façons légales de passer à travers, des exonérations de tous ordres aux stock-options. A l'inverse, l'impôt sur le revenu, même si son barème semble réduit, la contribution des salariés, pèse beaucoup plus lourdement sur les budgets ouvriers, parce qu'il prend sur le nécessaire, et vient en concurrence avec la nourriture, les dépenses de logement ou ce qui est indispensable aux enfants. Face à cela, l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pourtant jamais été aussi riches, ne représente que 15 % des recettes de l'Etat.
Mais si les travailleurs financent ce budget de leurs impôts, l'argent qu'ils versent ne leur revient que pour une bien faible part sous forme de services rendus. Il y a par exemple les dépenses pour l'Education nationale, pour ce qui est des dépenses générales, dont le paiement des enseignants, car pour les bâtiments il faut remettre la main à la poche à l'occasion des impôts destinés aux collectivités locales. Mais quand la notice accompagnant la feuille d'impôts annonce fièrement que 13 % des dépenses relèvent de "l'emploi, la santé et la solidarité", il faut savoir que l'on retrouve dans ce fourre-tout des utilisations qui relèvent surtout de la solidarité avec le patronat, telles les exonérations de charges pour les zones franches ou les aides à l'occasion de restructurations industrielles.
Pour ce qui est de leur santé, les salariés doivent là encore repayer, cette fois pour le budget de la Sécurité sociale. Quant aux 245 millions de francs annoncés pour la défense nationale, ils consistent pour une bonne part en de coûteux programmes d'armement, du type de ceux du "Rafale" ou du Charles-de-Gaulle, qui assurent pour des décennies des profits garantis aux marchands de canons. Le reste assure l'entretien d'une armée dont la raison d'être est de défendre les intérêts généraux et parfois particuliers des capitalistes français, dans des régions comme l'Afrique ou la Yougoslavie. Et il y a aussi, au chapitre des dépenses, les 240 milliards de "paiement des intérêts de la dette de l'Etat", qui vont directement dans les coffres-forts des banquiers.
L'impôt, on le voit, n'a rien à voir avec la manière dont le présente le gouvernement. C'est pour l'essentiel une escroquerie qui aboutit à faire financer par les travailleurs leurs propres exploiteurs, à financer un appareil d'Etat dont l'action est souvent dirigée contre eux, et aussi à faire passer dans les poches des capitalistes les sommes prélevées sur les revenus des travailleurs.