Du bon usage des résultats électoraux de l'extrême gauche16/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1705.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Du bon usage des résultats électoraux de l'extrême gauche

L'extrême gauche a donc marqué quelques nouveaux points sur le plan électoral. Elle a confirmé et même quelque peu amplifié les résultats qu'elle a obtenus au fil des présidentielles de 1995, régionales de 1998, européennes de 1999.

Pour tous ceux qui se situent dans le camp des travailleurs c'est le fait important. Il traduit la méfiance grandissante d'une bonne partie des classes populaires vis-à-vis de la gauche plurielle et gouvernementale, PCF compris. La méthode Coué employée par cette gauche avant les élections, annonçant l'arrivée d'une vague rose, n'a rien changé à la décision de nombre d'électeurs d'exprimer cette défiance soit en s'abstenant, soit, mieux, en votant pour les listes LO, LCR ou PT. (Même si ce dernier, depuis longtemps, ne veut plus avoir affaire avec les autres organisations d'extrême gauche, c'est pourtant à ce camp qu'il appartient. Et d'abord aux yeux des travailleurs qui lui apportent leurs suffrages. La preuve c'est que là où il se présente seul il lui arrive de drainer les voix et de faire des scores comparables à ceux de LO et de la LCR ailleurs.)

LO et la LCR sont allées à ces élections chacune de leur côté. Pour de bonnes et de mauvaises raisons, nous avions eu l'occasion de le dire dans ces colonnes à l'époque. En présentant 90 listes, sans doute pas si différentes dans leur composition que celles de LO, en réalisant des scores tout à fait comparables (même si de cela nous n'avons pas encore une analyse "fine"), la LCR a montré que LO avait tort de classer a priori les gens, associatifs ou autres, que la LCR proposait de ramener sur d'éventuelles listes communes, dans la catégorie des réformistes proches de la gauche plurielle et non de l'extrême gauche révolutionnaire.

La LCR, elle, se proposait de faire voter pour cette gauche plurielle, voire d'intégrer les listes de celle-ci au deuxième tour (ce fut la principale raison de la rupture entre les deux organisations, bien que nous ne sachions toujours pas si la LCR va effectivement le faire ; mais nous savons déjà en revanche que nombre de ses militants sont en désaccord avec une telle politique). La LCR peut enregistrer aujourd'hui que le fait de dire d'avance, sans ambiguïté, que LO n'appellera en aucun cas à voter pour des partis qui soutiennent un gouvernement anti-ouvrier, n'empêche nullement des travailleurs de lui apporter leurs suffrages. Bien plus, elle peut noter que pour figurer au deuxième tour et avoir les élus auxquels, c'est vrai, une bonne règle démocratique devrait donner droit en fonction du pourcentage d'électeurs, il aurait été finalement sans doute mieux de repousser toute idée de se glisser sur les listes de la gauche et de choisir l'alliance avec LO. La preuve, dans un certain nombre d'endroits le total des votes des deux organisations dépasse les 10 % qui auraient été nécessaires pour se maintenir au deuxième tour, y compris là où la LCR seule n'atteint pas forcément les 5 %... lui permettant de négocier une petite place sur les listes de la gauche.

Les élections sont passées. Le fait de s'être présenté en ordre dispersé, n'est ni une catastrophe ni même une chose sur laquelle il vaut la peine de s'attarder.

La seule question qui vaille maintenant est celle de la politique à mener pour LO, pour la LCR, pour l'extrême gauche toute entière.

Les prochaines échéances électorales (législatives et présidentielles) sont dans un peu plus d'un an. Il faut pourtant bien les préparer dès maintenant. Non seulement elles sont déjà dans l'esprit de tous, mais l'expérience montre qu'il n'y a peut-être pas trop de temps pour se mettre d'accord, même seulement entre LO et LCR, et y intervenir de la manière à la fois la plus juste et la plus profitable. Se mettre d'accord par exemple sur le fait que l'extrême gauche aurait intérêt à les aborder en commun mais aussi en rupture claire avec la gauche plurielle. Car si déjà, à notre avis, faire voter ce 18 mars pour un maire qui soutient ce gouvernement est une grosse erreur, peut-on imaginer de faire voter dans un an pour des députés qui auront soutenu ce gouvernement depuis cinq ans, pire encore pour Jospin président ?

Il faut surtout envisager les interventions communes possibles sur d'autres terrains plus importants, ceux de la lutte de classe. Le nombre de grèves et de mouvements s'est multiplié ces derniers temps, même s'ils sont restés localisés ou limités. L'offensive du MEDEF appuyée ouvertement ou en sous-main par le gouvernement pose aux travailleurs dans toute leur acuité les problèmes des salaires, des retraites, de la sécu, de la précarité, du chômage, des licenciements... nous en passons et peut-être des pires. LO, la LCR, l'extrême gauche, surtout si elles interviennent en commun, ont les moyens de peser dans les débats et dans ces luttes. Elles ne peuvent changer le rapport des forces qu'avec la mobilisation du monde du travail, certes. Mais elles peuvent y contribuer, mener des campagnes, essayer d'entraîner des travailleurs, à commencer par ceux qui leur font confiance, mais peut-être en certaines occasions d'autres aussi, proposer une politique ou des actions au mouvement ouvrier, partis et syndicats. Il est peut-être difficile voire impossible d'entraîner ces derniers, en tout cas bien loin, en s'appuyant sur nos seules forces actuelles, mais il est possible au moins de les secouer... et ainsi convaincre, voire gagner peu à peu ceux qui les suivent.

Il ne s'agit pas de se gonfler en partant de résultats qui sont encourageants mais qui, c'est vrai, montrent surtout le chemin qu'il reste à parcourir. Mais il s'agit aussi de constater que l'extrême gauche, et LO en premier lieu, forme bien aujourd'hui une force politique réelle. Et donc de tenter d'avoir une politique en rapport.

Certes en politique la mégalomanie ne pardonne pas. Mais une trop grande modestie, pour des révolutionnaires, peut être aussi une affection grave. Notre organisation, dont ce scrutin vient de rappeler l'audience, a la possibilité de proposer cette politique à l'extrême gauche.

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