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Municipales - Paris et Ile-de-France : "une politique avant tout favorable au patronat"
Le 2 mars, à la Mutualité à Paris, un meeting de campagne réunissait les représentants de toutes les listes de LUTTE OUVRIERE présentées en Ile-de-France.
Prenant la parole avant Arlette Laguiller, notre camarade Jean-Louis Gaillard, tête de liste dans le 11e arrondissement de Paris et élu de Lutte Ouvrière au Conseil régional d'Ile-de-France, a montré comment la politique de la Région et celle de bien des communes convergent pour défendre avant tout les intérêts patronaux, contre ceux de la population travailleuse. Nous publions ci-après des extraits de son discours.
En Ile-de-France, et plus particulièrement dans Paris et la petite couronne, il est bien difficile, pour le simple citoyen, de savoir ce qui relève des responsabilités de sa municipalité, et ce qui relève des différents types de syndicats ou de communautés intersyndicales existants, voire du Conseil régional.
Depuis une dizaine d'années la législation a favorisé les regroupements de communes, au nom de ce qu'on appelle "l'intercommunalité". D'un point de vue technique, cela correspond à des problèmes véritables, car l'agglomération parisienne forme un tout, et il y a évidemment des problèmes, à commencer par exemple par les transports en commun, qu'on ne saurait résoudre au niveau d'une seule commune.
Mais sur le plan politique, la manière dont fonctionnent ces regroupements de communes, régis par une législation dont la dernière mouture est due à l'ex-ministre de l'Intérieur du gouvernement de la "gauche plurielle", Jean-Pierre Chevènement, est bien significative de la caricature de démocratie qui est le mode de fonctionnement de notre société.
Car si dans les grandes villes les Conseils municipaux sont élus selon un mode de scrutin qui donne automatiquement au moins les 3/4 des sièges à la liste majoritaire, si les pouvoirs du Conseil municipal se bornent en fait, du point de vue légal, à élire le maire, et à voter son budget, les organismes qui dirigent les regroupements de communes, élus au suffrage indirect, sont encore plus éloignés des préoccupations de la population, et échappent complètement à son contrôle.
Services privatisés
De plus en plus, les municipalités, les regroupements de communes, les Conseils généraux et régionaux, confient à des entreprises privées des services publics, comme la distribution de l'eau, les transports en commun, les services municipaux d'entretien des communes, le ramassage, le tri et le traitement des ordures ménagères, les cantines scolaires, et jusqu'aux maisons de retraite.
Les entreprises privées intéressées empochent les subventions et rentabilisent les services publics dont elles ont la charge, au détriment bien sûr des besoins de la population qui doit alors payer très cher un service qui est loin d'être à la hauteur de ce qu'il faudrait.
La distribution de l'eau potable est certainement l'un des exemples les plus connus et les plus scandaleux. Mais il n'y a pas que celui-là.
Les transports en commun routiers en grande couronne parisienne sont entre les mains d'entreprises privées, subventionnées et protégées contre tout déficit par les collectivités locales. Il s'agit de compagnies de bus portant des noms peu connus comme par exemple les Courriers d'Ile-de-France ou encore la CGEA, mais qui sont des filiales de grands groupes comme Vivendi et autres. Ces sociétés de transport privées ne sont intéressées que par les profits qu'elles peuvent réaliser. Pas par la qualité du service public qu'elles devraient assurer.
Et cela signifie, pour les travailleurs comme d'ailleurs pour l'ensemble de la population des communes, des transports minimum, peu fréquents, s'arrêtant complètement ou presque de rouler le soir et les week-ends, pratiquant des tarifs élevés mais payant mal leurs salariés, qui sont souvent obligés de faire grève pour faire reconnaître leurs droits comme ont dû le faire, il y a quelques mois, les travailleurs des Courriers d'Ile-de-France.
Des pans entiers des missions des collectivités locales tombent entre les mains d'entreprises privées. Le domaine de l'éducation en fournit un autre exemple avec les établissements qui relèvent de l'autorité de la Région. Les centaines de milliers d'élèves des lycées professionnels étudient dans des conditions de plus en plus dégradées, faute de moyens financiers, de locaux corrects et de personnel en nombre suffisant.
Le gouvernement vient de promettre la titularisation de 9 300 enseignants. Mais il ne s'agit pas de créations d'emplois. Ces enseignants sont déjà présents, mais avec un statut précaire. Cette opération, qui sera en outre étalée sur quatre ans, ne signifiera donc l'engagement d'aucun enseignant supplémentaire alors qu'à peu près partout, il manque des professeurs.
Dans le même temps et au détriment de la formation professionnelle en lycée, les fonds publics subventionnent massivement les Centres de formation d'apprentis, en général gérés par les Chambres patronales. La formation des jeunes se fait en alternance, partagée entre l'école et l'entreprise. Cela profite tout de suite aux employeurs et les jeunes apprentis sont essentiellement préparés à n'être que des ouvriers rapidement opérationnels, c'est-à-dire exploitables sinon corvéables à merci.
Portion congrue pour le logement social
Si la situation du logement social n'est pas bonne dans nombre de communes gérées par la gauche, le problème ne se pose même pas dans certaines municipalités de droite, qui ne recherchent pas des électeurs parmi les couches les plus pauvres de la population, et qui n'ont aucune envie de les attirer sur leur territoire.
Régulièrement, les pouvoirs publics déplorent le manque de logements sociaux en Ile-de-France où 260 000 demandes au bas mot sont en attente. Pour sa part, le Conseil régional se dit conscient de l'urgence de la situation et a même déclaré vouloir accélérer la construction de tels logements. Mais on se contente de bricolage et de saupoudrage financier alors qu'il y a des cités populaires entières, de plusieurs milliers d'habitants, qui sont dégradées au dernier point.
Et puis, officiellement, 750 000 personnes en Ile-de-France habitent dans des immeubles et des hôtels meublés, souvent insalubres et dangereux, comme on l'a vu récemment lors d'un incendie à Saint-Denis, ou habitent dans des abris de fortune, ou encore dans des centres d'accueil d'urgence, tout à fait insuffisants de surcroît puisque, sur Paris seulement, les SDF recensés seraient plus de 30 000.
En décembre dernier, parlant de l'intervention du Conseil régional pour l'amélioration du droit au logement, le vice-président annonçait fièrement sa participation financière à un programme de réhabilitation et de construction de logements sociaux, permettant en particulier la construction... d'à peine 12 500 logements, en trois ans ! C'est cela ce qu'ils appellent une politique prioritaire.
En revanche, environ un million de mètres carrés de bureaux devraient être mis en chantier cette année sur l'Ile-de-France.
... et subventions aux entreprises
Chaque commune - ou presque - finance et aménage, avec les aides publiques du département et de la Région, sa zone industrielle, sa "pépinière d'entreprises", son "incubateur" d'entreprises selon les expressions couramment utilisées.
Il s'agit de sites aménagés aux frais de la collectivité, d'installations offertes clés en mains aux industriels, avec des détaxations de toute sorte pour les appâter, en prime. Résultat : des entreprises promettent de s'installer en maniant le chantage aux aides entre les communes. Quand elles viennent dans une commune, c'est parfois en amenant des emplois, rarement créés sur place, plus souvent transférés d'ailleurs.
Le cas de Danone, qui a tout récemment fait parler de lui, n'est qu'un cas scandaleux parmi cent. Il faut rappeler que les collectivités locales ont décidé de lui apporter 33 millions d'argent public pour qu'il installe un centre de recherche sur le plateau de Saclay, dans l'Essonne. Et cela au moment même où Danone préparait un plan de restructuration qui entraînerait la suppression de 3 000 emplois et la fermeture éventuelle de son établissement d'Evry, lui aussi dans l'Essonne ! Devant la colère soulevée, Danone a en partie démenti, mais le Conseil régional, lui, a déclaré qu'il persistait et signait dans l'apport (même s'il est indirect) de ces millions au trust Danone.
Au Conseil régional d'Ile-de-France qui concerne toutes les communes de la région, les exemples sont multiples d'aspects de la vie sociale qui sont abandonnés parce que non rentables, alors que les subventions ne sont jamais refusées aux entreprises privées, petites, moyennes et grandes.
On peut citer le manque de crèches, de centres d'accueil et de loisirs pour les jeunes, l'insuffisance des soutiens au développement d'associations locales à but social, culturel, tournées vers les besoins de la population, le manque de centres de soins pour les malades toxicomanes et pour les malades tout court, d'aires d'hébergement pour les gens du voyage.
En matière de politique de transports, il est d'ailleurs significatif de voir comment Séguin et Delanoë sont tombés d'accord sur le problème du stationnement à Paris, lors du débat qui était censé les opposer sur Canal plus. L'un comme l'autre sont pour favoriser le stationnement résidentiel des voitures des Parisiens, c'est-à-dire de leurs électeurs potentiels. Mais ils sont aussi d'accord, sous prétexte de désembouteiller Paris, pour faire payer très cher le stationnement aux banlieusards qui, pour venir travailler à Paris, n'ont souvent pas d'autres moyens, faute de transports en commun satisfaisants, que de prendre leur voiture. Dommage que le chef de file des Verts n'ait pas été invité au débat : il aurait pu, pour couronner le tout, plaider comme à son habitude pour l'augmentation des taxes sur les carburants !