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Leur société
Un droit de vote contingenté assorti d'une course d'obstacles pour déposer les listes
On nous rabâche, en cette période électorale, que chacun peut faire entendre sa voix. Des spots télévisés, destinés à réveiller le sens civique des Français, quelque peu émoussé par le triste spectacle que donnent le plus souvent les politiciens professionnels, nous invitent avec insistance à donner de la voix en allant voter.
Déposer un bulletin dans l'urne paraît aussi simple que de mettre une lettre à la poste. Pas si simple que cela pourtant !
Tout d'abord, avoir le droit de voter n'est pas donné à tout le monde, même au niveau de la commune. Il ne suffit pas d'y résider, donc d'y payer les impôt locaux, quand on est imposable. Tout d abord, pour avoir le droit de donner son avis, il faut avoir, sinon le sang bleu, comme sous l'Ancien Régime, du moins l'avoir bleu-blanc-rouge, et s'être fait inscrire sur une liste électorale. Ou à la rigueur être citoyen d'un des pays de la Communauté européenne. A condition toutefois de s'être fait inscrire sur une liste spéciale en mairie, avant le 31 décembre dernier. Ceux qui sont nés sous d'autres cieux n'ont le droit, comme le dit dans une de ses chansons Pierre Perret, que de "vider les poubelles à Paris" ou ailleurs, de balayer les rues, de trimer sur les chaînes chez Renault, Peugeot et autres, de bitumer les routes, de payer leurs impôts, et de la fermer. Des millions d'hommes et de femmes, qui triment en France, n'ont pas accès au vote, même au niveau de la commune. Et cela, en dépit des engagements du Parti Socialiste qui se prononçait pour le droit de vote des immigrés dans les scrutins locaux, avant qu'il accède à la direction du gouvernement. Une promesse non tenue, une de plus.
Si tout le monde, et en particulier tous les travailleurs, n'a pas la possibilité de participer au vote, il n'est pas simple non plus de faire acte de candidature. Aux élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants, il faut présenter plusieurs dizaines de candidats et de candidates. Cela va de 27 pour celles dont la population se situe entre 3 500 et 5 000, à 69 pour celles dont la population dépasse les 300 000 habitants. Et comme une liste doit être complète pour qu'elle soit acceptée, cette exigence constitue une entrave pour des partis comme Lutte Ouvrière.
Cela ne nous a pas empêchés de présenter 127 listes dans des villes importantes du pays. Mais cela nous a empêchés de le faire dans bien des communes où pourtant Lutte Ouvrière dispose de militants, de sympathisants, de soutiens, mais pas en nombre suffisant pour y présenter une liste complète.
Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là. Même là où nous avons pu constituer des listes, nous n'étions pas au bout de nos peines. Car commençait alors un véritable parcours du combattant. Il a fallu franchir obstacles et embûches mis en place dans certaines préfectures par des "responsables" qui s'ingéniaient à interpréter les textes du code électoral à leur façon, parfois pointilleuse à l'excès, parfois même selon des critères relevant de la plus entière fantaisie. Ainsi certains de nos camarades ont eu affaire, entre autres, à de tels "responsables" allant jusqu'à changer les formalités en cours de journée, alors même que la période de dépôt des listes était déjà ouverte. Cette attitude courtelinesque s'est traduite par des heures d'attente pour ceux qui avaient la charge du dépôt des listes, par des aller et retour incessants, ce qui a valu un travail supplémentaire, sans fondement même au regard des textes, pour les employés chargés de l'application de directives qui ne brillaient pas par leur cohérence.
Cela n'est drôle pour personne, mais c'est une entrave de plus pour ceux qui travaillent, et n'ont donc pas la même disponibilité que les formations installées qui, elles, peuvent s'attacher les services d'un personnel rémunéré.
Même l'accès à la parole codifiée qu'on nous accorde dans les élections est hérissé d'obstacles. Cela n'est pas fait pour nous surprendre ; ni pour nous décourager.