Expertise favorable à Omar Raddad : Sous-justice pour les pauvres02/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1703.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Expertise favorable à Omar Raddad : Sous-justice pour les pauvres

Quelques infimes traces de sang prélevées sur la porte de la cave où se trouvait la fameuse inscription "Omar m'a tuer" ont été finalement analysées. L'ADN n'est pas celui d'Omar Raddad qui fut condamné pour meurtre en 1994, et gracié après avoir accompli sept ans de prison. Cela conforte la thèse de l'innocence d'Omar Raddad mais ne prouve rien. N'importe qui aurait pu laisser un peu de sang sur cette porte, bien avant ou après le crime sans être l'assassin. Et si le sang en question avait été celui de Raddad, cela n'aurait rien prouvé non plus.

Mais cela jette une lumière de plus sur les conditions ahurissantes de son procès et de l'enquête qui l'a précédé.

C'est peu dire que l'enquête a été bâclée : elle a été délibérément orientée pour faire condamner Omar Raddad. Aucune autre piste possible n'a été examinée, alors qu'il s'en ouvrait, dès le début de l'enquête. Des témoins ont donné des éléments qui, sans apporter de preuve, tendaient à disculper celui qui fut condamné. Il n'en a pas été tenu compte. Les enquêteurs "tenaient" leur coupable, ils n'ont pas été voir plus loin. Pire, des pièces à conviction ont été détruites : ainsi un rouleau de pellicule photo prise avant sa mort par la victime. Et surtout le corps de madame Marchal, qui fut assassinée, a été incinéré, sans qu'elle en ait jamais exprimé le souhait, -en tout cas, pas par écrit- et sans que la justice s'y oppose. Lorsqu'on rentre dans le détail de ce qu'on appelle pudiquement les "disfonctionnements" de l'enquête et de la justice, c'est effarant.

On peut incriminer bien sûr, en partie, l'incompétence des policiers et enquêteurs, pas vraiment formés aux méthodes scientifiques. Mais cette fois, cela va bien au-delà : il y a la volonté de "charger" un jardinier marocain, parce que ce n'est qu'un travailleurs immigré. Il y a aussi, probablement, la volonté de ne pas inquiéter une famille riche et honorablement connue. Car, si ce n'est pas Omar Raddad qui est l'assassin, qui alors ? Quelqu'un du cercle des intimes ?

Cette pseudo-justice au rabais pour les humbles, ce n'est pas la première fois qu'elle s'exerce, c'est même souvent le cas. Le plus souvent on n'en parle guère car il s'agit de faits relativement mineurs. Mais parfois des "affaires" viennent sur le devant de la scène. Dans l'affaire des "disparues de l'Yonne", il est évident que la justice n'a pas cherché à retrouver les jeunes filles, en dépit des disparitions répétées. Il s'agissait d'enfants pauvres, légèrement handicapées parfois. On les prétendait en fuite, et il ne fut surtout pas question d'ennuyer l'institution qui s'en occupait d'une façon scandaleuse, et qui était dirigée par des notables. Et cela en dépit du fait qu'un gendarme avait flairé les meurtres et poursuivait, à titre personnel, les recherches !

Lors de l'affaire Dutroux, le pédophile et assassin belge, la police et la gendarmerie ont elles aussi fait preuve d'une incroyable légèreté en ne recherchant pas comme il fallait, les enfants disparus, qu'elles auraient probablement pu retrouver avant leur mort si l'enquête avait été menée sérieusement dès le début. Mais là aussi il s'agissait d'enfants de gens pas bien riches, donc pas bien intéressants pour la justice.

Si c'était des enfants de notables qui avaient disparu, dans l'Yonne ou en Belgique, les autorités n'auraient certainement pas laissé passer tout ce temps sans rien faire ?

Alors, on peut toujours parler aujourd'hui de "justice de classe". Quand des travailleurs contestent leur exploitation, celle-ci est prompte à prendre le parti des patrons. Mais là ce n'est même pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit du mépris ordinaire envers les humbles. Les pauvres n'ont droit qu'à une sous-justice au rabais. Une justice bas de gamme, comme tous les produits que leur offre la société.

Et quand cela fait trop scandale, et que des enquêteur indépendants remuent la boue judiciaire, alors parfois (rarement !) l'Etat rouvre un procès (celui d'Omar Raddad le sera-t-il ?) ou verse une indemnité aux personnes lésées.

Mais les juges, les policiers, les gendarmes ne sont même pas inquiétés pour leurs fautes professionnelles pourtant évidentes. Un simple salarié aurait depuis longtemps été renvoyé de son travail s'il l'avait autant bâclé que certains juges. Mais ceux-là restent en place et continuent d'administrer la "justice".

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