Israël : Sharon-Barak, une même politique contre les palestiniens16/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1701.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Sharon-Barak, une même politique contre les palestiniens

Il y a quatre mois déjà, en octobre 2000, Barak, le Premier ministre israélien, avait pris contact avec Sharon, dirigeant de la droite (le Likoud) et principal chef de l'opposition, afin d'envisager ensemble un gouvernement "d'union nationale". Sharon avait alors posé des conditions que Barak avait jugées inacceptables, et l'accord ne s'était pas réalisé.

Aujourd'hui, après les élections qui viennent de donner une écrasante victoire à Sharon, c'est au tour de ce dernier de démarcher Barak... toujours dans le but de former un gouvernement "d'union nationale". Et il se pourrait que la victoire électorale de Sharon s'avère être en fin de compte... la seule manière pour Barak de demeurer ministre dans un gouvernement !

Vers l'accord droite-gauche

La raison immédiate de cette attitude, aussi bien de l'un que de l'autre des deux protagonistes, c'est que le Parlement israélien (la Knesset) s'avère ingouvernable sans un accord entre le Likoud et la gauche travailliste de Barak, aucun n'ayant séparément la majorité. A moins que Sharon ne décide de s'allier avec les formations d'extrême droite, ou les ultras religieux, ce qu'il ne semble pas avoir envie de faire pour le moment, mais qu'il fera peut-être quand même un jour ou l'autre.

Ce qu'indique aussi ce paradoxe apparent, c'est qu'il n'y a guère de différence fondamentale entre le Likoud et la gauche (ou prétendue telle) travailliste. Sharon est un criminel de guerre qui avait donné l'autorisation aux milices chrétiennes libanaises de "nettoyer" les camps palestiniens de Sabra et de Chatila, à l'époque où l'armée israélienne occupait le Sud-Liban et Beyrouth. En matière de massacres et de "purification ethnique", il est du même tonneau qu'un Milosevic par exemple. C'est lui aussi qui a provoqué en septembre dernier l'explosion de colère palestinienne en allant parader à Jérusalem sur l'Esplanade des mosquées... tout en se faisant le champion de la sécurité d'Israël !

Mais les travaillistes qui ont gouverné Israël pendant des lustres ont toujours mené la plus résolue des politiques anti-arabes. Et Barak est celui qui vient de présider la répression de la nouvelle Intifada, qui a déjà fait 400 morts parmi les Palestiniens. C'est son gouvernement qui est également responsable du pogrom contre des Arabes de nationalité israélienne qui a fait treize morts dans leurs rangs, alors que ces derniers n'avaient pourtant tué personne, mais se contentaient de manifester. Massacre perpétré sur de prétendus "citoyens israéliens" mais qui n'a donné lieu pour le moment à aucune sanction chez les assassins. Une façon éclatante de démontrer que les Arabes d'Israël sont des citoyens de seconde zone, et que les autorités leur demandent de "rester à leur place", ce qu'ils ont fait d'ailleurs en boycottant les dernières élections.

La victoire relative de Sharon

Un autre aspect que mettent en évidence les discussions Barak-Sharon, c'est que la victoire électorale de ce dernier n'est pas aussi triomphale qu'il y paraît. Pour la première fois dans un scrutin, près de 40 % des électeurs se sont abstenus. Parmi eux il y a les Arabes israéliens bien sûr, mais pas seulement. Un grand nombre de ceux qui votent travailliste d'habitude n'ont pas, cette fois, pris part au vote. Et en fin de compte, c'est seulement un gros tiers du corps électoral qui s'est prononcé pour Sharon. Si ce dernier était si sûr de son audience, il tenterait peut-être de provoquer de nouvelles élections législatives afin d'obtenir la majorité à la Knesset.

Mais dans un vote pour les députés, qui se déroule en Israël à la proportionnelle intégrale, le Likoud se retrouverait peut-être alors à peu près aussi minoritaire qu'aujourd'hui... et le même problème d'accord de gouvernement se poserait.

Quoi qu'il en soit, avec ou sans Barak, avec ou sans les formations d'extrême droite, la politique israélienne semble tracée : ce sera sensiblement la même qu'avant. Sharon fera probablement des démonstrations de force et davantage de massacres que son prédécesseur, parce que c'est un tueur qui, si cela ne tenait qu'à lui, utiliserait volontiers la méthode de l'armée russe en Tchétchénie, et aussi parce que c'est un politicien qui voudra montrer son intransigeance à son électorat. Mais il n'est pas en son pouvoir d'empêcher la révolte palestinienne, il va peut-être même l'exacerber.

Le piège sanglant

Pendant ce dernier siècle, les sionistes ont défendu l'idée que l'Etat d'Israël constituerait un havre de paix pour les Juifs persécutés dans le monde entier. Israël a été quatre fois en guerre avec ses voisins, si on laisse de côté l'occupation du Sud-Liban (où Sharon a joué un rôle déterminant) et connaît pour la seconde fois l'Intifada. Le havre de paix n'existe pas. Si Israël obtient une sécurité toute relative, c'est en étant perpétuellement l'arme à la bretelle.

Devant cette situation, les dirigeants israéliens ont un moment été tentés de séparer radicalement les Juifs et les Arabes, en fermant les frontières et même en envisageant de renoncer à l'utilisation de la main-d'oeuvre palestinienne. L'apartheid à l'israélienne, en somme. Mais cette politique a été en même temps contrecarrée par la volonté de créer de nouvelles implantations juives en Cisjordanie et à Gaza, c'est-à-dire dans les territoires, pourtant restreints, dévolus en principe aux Palestiniens. Dans ces colonies, les colons sont inextricablement mêlés aux Palestiniens. Assurer vraiment leur "sécurité" est mission impossible, même pour Sharon. Si Israël s'avère un piège sanglant (pour les Arabes d'abord !), les colonies sont un piège dans le piège : déjà une quarantaine de colons ont été tués. Dix fois moins que de Palestiniens, certes, mais leur sécurité est bien impossible. La seule solution immédiate, et qui ne règlerait bien entendu pas l'ensemble des problèmes, serait l'évacutaion de toutes les colonies juives de Cisjordanie et de Gaza. Sharon ne cesse de réaffirmer qu'il n'en veut pas, c'est sur leur maintien qu'il a été élu, et ce n'est pas pour rien qu'il a été durant une période ministre du Logement c'est-à-dire en fait de l'implantation des colonies. Cependant il y sera peut-être contraint si l'Intifada continue.

Car toute la politique des dirigeants israéliens ne peut que convaincre les Palestiniens qu'ils n'ont d'autre solution que de poursuivre la lutte. Et tous se souviennent que les seules concessions jamais obtenues ont été imposées, en 1993, par la première Intifada, que l'armée israélienne avec toute sa puis sance ne parvenait pas à vaincre.

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