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Leur société
Les victimes "oubliées" des guerres "propres"
Le ministère de la Défense annonce qu'après examen médical des soldats, ayant servi dans le Golfe ou au Kosovo, et atteints de leucémie, ceux-ci ne doivent pas leur maladie à des inhalations d'uranium appauvri, du moins pour cinq d'entre eux sur les six cas recensés. Pour le sixième on ne sait pas encore. Leurs cancers seraient dus à d'autres causes : vapeurs d'essence, produits chimiques divers... Et les dirigeants de l'OTAN prétendent la même chose : l'uranium appauvri ne serait pour rien dans les cas de leucémie signalés un peu partout.
En admettant que cela soit exact, on peut constater qu'il y a donc de nombreux produits cancérigènes qui sont manipulés et inhalés par les militaires... et sans doute beaucoup plus parmi les travailleurs dans le civil !
On peut aussi constater que les états-majors, que ce soit celui de l'OTAN ou les états-majors nationaux, n'ont pas brillé par la transparence et l'information. On connaissait les risques de l'uranium appauvri dès qu'il a commencé à être utilisé à la pointe des obus pour son pouvoir perforant, en France, par exemple, dès 1986. Des essais ont été réalisés (comme pour chaque armement nouveau), et des responsables sanitaires avaient mis en garde les utilisateurs. L'uranium appauvri ne présente pas de danger particulier au repos. Mais après explosion il dégage des produits toxiques. Et les militaires qui ont servi au Kosovo ou dans la guerre du Golfe n'en étaient même pas informés. Les chefs des armées ont un solide mépris pour leurs propres troupes, simple chair à canon, chair à radiations.
Mais le plus choquant dans cette affaire, c'est encore que l'on ne parle des méfaits de ces armes qu'à propos du sort de quelques dizaines de soldats. Certes ils sont victimes de la guerre et de l'armée en général. Mais combien de morts dans les camps "d'en face" ? Car les obus à l'uranium appauvri sont surtout redoutables... quand on les reçoit ! Ils ont été conçus pour percer les blindages des chars. Combien de soldats irakiens ou serbes ont été grillés vifs à cause de ces obus ? Et de façon plus générale combien de militaires irakiens ont été tués ou blessés, pas seulement par ce type d'obus, mais par tous les autres bombardements de la guerre du Golfe ? 100 000, 200 000 ? On l'ignore, et les états-majors n'ont pas l'air trop soucieux de le savoir, ou plus probablement ils le savent mais se gardent de publier les chiffres réels des estimations.
Et puis combien de civils sont morts ou ont été blessés lors des bombardements sur l'Irak ou sur le Kosovo ? On a parlé à l'époque de "guerre propre", de "frappes chirurgicales". Cela voulait dire que les agresseurs, Etats-Unis et pays occidentaux, ne devaient pas avoir de pertes ou extrêmement peu. Par rapport à bien des conflits précédents, comme la guerre du Vietnam par exemple, cela a été vrai. Mais pour les adversaires des armées occidentales et pour les civils, ce fut souvent le carnage.
A quoi il faut ajouter que l'embargo sur l'Irak, qui continue toujours, a probablement causé encore beaucoup plus de victimes civiles en dix ans, à cause de la sous-alimentation, du manque de soins, etc. que la guerre elle-même.
Mais qu'il s'agisse de cette affaire d'uranium appauvri ou du reste, les états-majors veulent garder leurs prérogatives et le droit de décider souverainement et de leurs modes d'intervention et du choix des armes.