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Israël-Palestine : Un plan de paix qui ne peut rien régler
Lundi 8 janvier, plus de 100 000 Israéliens, selon les médias, ont convergé vers la vieille ville de Jérusalem pour manifester leur refus de céder à un futur Etat palestinien une parcelle, même limitée, de souveraineté sur cette ville dont l'armée d'Israël a annexé la partie arabe en 1967, après la guerre des Six Jours.
Parmi les manifestants, se trouvaient des leaders du Likoud (le parti de droite que les sondages donnent gagnant des prochaines élections législatives), des militants de l'extrême droite raciste anti-arabe et de nombreux colons, religieux et ultra-nationalistes, installés au fil des années sur des terres confisquées par l'armée israélienne aux Palestiniens de Cisjordanie et Gaza.
Le camp le plus réactionnaire d'Israël avait choisi Jérusalem pour manifester parce qu'un énième projet d'accord israélo-palestinien, concocté sous la houlette de Clinton (président américain pour quelques jours encore), laissait entendre qu'une partie de la ville pourrait être rétrocédée aux Palestiniens. En pleine campagne électorale contre un Premier ministre travailliste démissionnaire, Ehoud Barak, droite et extrême droite israéliennes entendaient affirmer leur rejet de l'idée même de tout accord de paix.
Elles sont d'autant plus à l'aise pour accuser Barak de «brader Jérusalem une et indivisible» qu'il alterne des déclarations censées témoigner (vis-à-vis de l'opinion mondiale) de sa volonté d'arriver à la paix et d'autres (destinées à la fraction réactionnaire de l'opinion israélienne) refusant toute concession, entre autres sur Jérusalem. Cela en laissant carte blanche à l'armée et aux colons armés jusqu'aux dents pour s'en prendre aux Palestiniens.
Le jour même de la manifestation, une jeune Palestinienne, qui étendait du linge, a été tuée d'un tir de mitrailleuse. Mais c'est chaque jour que soldats ou colons israéliens «font des cartons» sur des villageois, des enfants ou des travailleurs palestiniens se rendant en Israël, que les autorités décrivent ensuite comme ayant manifesté ou lancé des pierres, afin de couvrir ces assassinats purs et simples.
Dans le même temps où la presse occidentale parlait d'un «plan de paix Clinton de la dernière chance» et où les bonnes âmes du monde dit civilisé pressaient Arafat et l'Autorité palestinienne de saisir une occasion dont on disait qu'elle ne repasserait pas de sitôt, Barak autorisait à nouveau la destruction de maisons et la saisie de terres dans les Territoires occupés pour agrandir des colonies juives et créer des routes de desserte militaire.
La presse d'ici s'est évertuée à présenter ce plan Clinton sous un jour flatteur. Israël aurait été prêt à rendre 90 % de la Cisjordanie et de Gaza et la souveraineté sur une partie de Jérusalem. En échange, les Palestiniens auraient «seulement» dû renoncer, contre indemnisation, au droit au retour, sur les terres dont ils ont été chassés, d'une foule de réfugiés vivant dans des camps en Palestine occupée, au Liban, en Syrie ou en Jordanie, parfois depuis un demi-siècle.
Pas question, pour Clinton et Barak, que ceux-ci retrouvent leurs maisons et terres situées sur l'actuel territoire d'Israël : voilà quel était le seul point définitif du projet de prétendu accord de paix. Mais sur le reste, dès lors qu'il s'agissait de semblants de concessions à la partie palestinienne, régnait le flou le plus complet. Le plan de partage de Jérusalem n'avait rien d'arrêté ; Israël conservait la rive occidentale du Jourdain en coupant la Cisjordanie de la seule voie d'eau de la région et annexait des «Territoires» pour regrouper des colonies juives se réservant les meilleures terres.
Quant à l'évacuation militaire, elle devait avoir lieu dans trois ans, et sous contrôle international, tandis que Clinton et Barak prévoyaient un Etat palestinien «non militarisé» sur l'espace aérien duquel l'armée israélienne gardait un droit de manoeuvres.
Voilà qui dit tout ; et le fait que les dirigeants israéliens n'envisagent un éventuel Etat palestinien que comme un bantoustan d'Israël, et le cynisme de ces mêmes dirigeants et celui de leurs parrains des grands Etats impérialistes, car les uns et les autres savent que, doté d'une supériorité militaire écrasante, Israël garde toutes les cartes en main, y compris pour s'asseoir sur le prétendu «droit international».
Il suffit de rappeler comment, depuis la guerre de 1967, sont restées lettre morte toutes les résolutions de l'ONU condamnant l'occupation israélienne et enjoignant la restitution des territoires palestiniens. Plus récemment, les accords d'Oslo, signés il y a sept ans après que la première Intifada avait contraint Israël à s'asseoir à une table de négociation patronnée par les Etats-Unis, n'ont débouché sur rien. Ou plutôt si : sur l'intensification de la colonisation des terres arabes, sur le dépeçage et le bouclage des bouts de territoire concédés à l'Autorité palestinienne. Il en a résulté une chute du niveau de vie, déjà bas, de la population palestinienne et l'éclatement de la seconde Intifada, en septembre dernier.
Clinton aurait aimé terminer son mandat en annonçant n'importe quel accord baptisé de paix et, qui sait, recevoir le prix Nobel pour cela. Barak, lui, semblait vouloir se présenter devant ses électeurs, le fusil dans une main et, dans l'autre, un bout de papier ne l'engageant à rien. En clair, continuer à mener la même politique d'oppression de la population palestinienne et de dénégation de ses droits les plus élémentaires.
Autant dire que ce prétendu «plan de paix» n'en était pas un. Et même si, par extraordinaire, il était souscrit, il maintiendrait toutes les causes de conflits qui ensanglantent cette région depuis un demi-siècle.