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- Lutte ouvrière n°1693
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Leur société
Erika, un rapport de plus : A quand la fin des navires-poubelles ?
Il faut rappeler que juste après le naufrage, l'armateur, la société de classification avaient affirmé avec aplomb que l'Erika n'était pas un navire-poubelle. Eh bien si, c'en était un !
Depuis un an et quelques jours que le naufrage s'est produit, pas grand-chose, pour ne pas dire rien, n'a changé dans le contrôle des navires. Les autorités françaises prétendent qu'en matière maritime, ce n'est pas un pays seul mais toute l'Union Européenne qui doit prendre des mesures, car le trafic est international. Mais rien, cependant n'interdit aux autorités françaises d'inspecter comme il convient, au moins les navires qui relâchent dans les ports français. Or, on en est très loin.
Les autorités européennes vont probablement, en principe, accoucher d'une législation plus contraignante. L'exemple en est donné par les Etats-Unis qui obligent tous les pétroliers qui accostent chez eux à avoir une double coque, et les compagnies pétrolières à être responsables des dégâts. Est-ce que l'Union Européenne ira jusque-là ?
Quelques mesures de simple bon sens s'imposent en effet : navires régulièrement vérifiés, sociétés de vérification, elles-mêmes sévèrement contrôlées et responsables pécunièrement de la qualité de leurs enquêtes, obligation pour les compagnies pétrolières d'être responsables pour les cargaisons transportées, et même à être elles-mêmes directement propriétaires des pétroliers, etc.
Mais même si l'Union Européenne et les Etats qui la composent adoptaient de telles mesures, tout ne serait pas réglé pour autant.
Tout d'abord, dorénavant les trusts du pétrole, échaudés par l'affaire de l'Erika, évitent semble-t-il les navires-poubelles, et du coup les prix d'affrètement des «bons» navires (car dans les milieux de l'armement on sait parfaitement quels sont les bons et les mauvais) se sont envolés : c'est la loi du marché. Une partie de la hausse récente des prix du pétrole est d'ailleurs due à la hausse du transport : ce sont les consommateurs qui payent. Mais que deviennent les pétroliers pourris ? On les retrouve dans les pays sous-développés moins contraignants, en Afrique, en Asie, etc. Où il se produit aussi des marées noires dont on parle beaucoup moins.
En second lieu le dégazage, c'est-à-dire le nettoyage des résidus, qui se produit le plus souvent en haute mer, représente beaucoup plus de déchets que toutes les marées noires. Il y a d'ailleurs une recrudescence d'oiseaux mazoutés près des côtes bretonnes, dont on suppose qu'elle provient en partie du fuel de l'Erika, qui continue de réapparaître, et d'une série de dégazages sauvages. Car les capitaines profitent d'une mer agitée qui dissimule plus rapidement leurs pollutions. Et cela, on n'envisage pas de l'empêcher, ni aux Etats-Unis ni en Europe.
Et puis, il n'y a pas que les pétroliers qui peuvent être pourris. D'autres navires le sont à des degrés divers, et l'on apprend de temps en temps qu'un porte-conteneurs a perdu quelques «boîtes» contenant des produits dangereux, ou des fûts de produits toxiques...
Les pavillons de complaisance continueront de permettre aux armateurs et aux «donneurs d'ordre» d'utiliser les législations laxistes - voire inexistantes - des pays complaisants pour faire naviguer n'importe quel rafiot avec des équipages sous-payés.
Bref, en définitive, même si la législation finira probablement par changer, de gros risques subsisteront. A cause du danger inhérent à toute navigation maritime ? Pas seulement. Ce risque existe, mais des navires modernes et bien entretenus et qui relâcheraient plutôt que continuer à naviguer quand les conditions météo sont trop mauvaises, permettraient de faire tomber ce risque-là à presque rien. Seulement le principal risque aujourd'hui, ce n'est pas la mer, c'est l'imprudence calculée et volontaire des capitalistes pour qui les profits passent avant l'environnement.
Après eux le déluge, fût-il de pétrole...