Vache folle - Il leur a fallu dix ans pour se décider : Les farines carnées interdites pour six mois en Europe08/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1691.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Vache folle - Il leur a fallu dix ans pour se décider : Les farines carnées interdites pour six mois en Europe

Lundi 4 décembre, les ministres européens de l'Agriculture se sont enfin décidés à interdire les farines carnées dans les quinze pays de l'Union européenne, en même temps qu'ils annonçaient des mesures de soutien à la filière bovine.

Il y a quinze jours, les mêmes avaient écarté cette décision, jugée alors disproportionnée. Ce sont les cas de vaches folles recensés quelques jours plus tard en Allemagne et en Espagne qui les ont décidés à sauter le pas. Mais l'interdiction n'est pas définitive. Elle est valable pour six mois. A l'issue de ce délai, elle pourra être reconduite... ou suspendue ?

Plusieurs Etats ont obtenu le maintien des farines à base de poisson. Les graisses animales également ne sont pas concernées par cette interdiction. En revanche, la totalité des abats à risques sont désormais également interdits. Ces mesures sont d'abord destinées à rassurer les consommateurs et à relancer la consommation de boeuf, particulièrement diminuée par cette nouvelle crise de la vache folle.

L'Union européenne tente aussi de faire lever les mesures protectionnistes prises en Autriche, en Espagne et en Italie vis-à-vis de la viande française. Un «Comité scientifique directeur de la Commission européenne» a ainsi estimé que les mesures d'embargo au sein de l'Union européenne n'étaient pas justifiées. Il n'est pas sûr, cependant, que ces pressions aient le moindre effet. Dans le passé, lors de l'embargo de la France contre les viandes britanniques, une politique voisine de l'Union européenne était restée sans résultat.

A partir du 1er janvier, des tests de dépistage devraient commencer sur les animaux dits «à risque», c'est-à-dire âgés de plus de trente mois. Ces tests devraient être étendus à toutes les bêtes de cette catégorie à partir de juillet. Conjointement à cette politique de dépistage, il pourra être fait appel, selon les cas, à une deuxième méthode : les bêtes de cette même catégorie d'âge, non testées, pourront être achetées par les pouvoirs publics et abattues.

La Commission distribuera des fonds pour stimuler cette politique. Il s'agit là encore moins de prendre une mesure sanitaire que de redresser les cours, effondrés, de la viande bovine. L'ensemble de l'opération sera supervisée par la Commission européenne, qui prendra en charge 70% des frais.

Il faut cependant savoir que les tests existants ne sont capables de détecter que les animaux malades en phase ultime de la maladie. Les bêtes moins infectées ne seront pas dépistées. Or, on ne sait toujours pas à quel stade d'infection la maladie peut être transmissible à l'homme.

Aujourd'hui, les autorités françaises poussent des «cocoricos» parce que leurs partenaires européens ont repris des propositions du ministre français, mis en minorité il y a quinze jours. Il n'y a vraiment pas de quoi être si fier. Le même «Comité scientifique directeur européen», avait analysé les risques géographiques d'ESB (encéphalite spongiforme bovine) dans 23 pays en fonction de leurs importations de bovins et de farines animales entre... 1980 et 1996.

En Grande-Bretagne et au Portugal, pays dont les liens économiques sont anciens, l'épidémie d'ESB est «confirmée à un haut niveau». Elle est «probable ou confirmée à un haut niveau» pour la France, la Belgique, le Danemark, l'Irlande, le Luxembourg, la Hollande et la Suisse. «Improbable mais pas exclue» pour l'Autriche, la Finlande, la Suisse, le Canada et les Etats-Unis. «Hautement improbable» pour l'Argentine, l'Australie, le Chili, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Paraguay. Enfin, à l'époque de cette enquête, trois pays n'avaient pas de cas officiel d'infection, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie.

On sait ce qu'il en est depuis. Seule l'Italie paraît encore indemne, mais il serait bien improbable qu'elle ne rencontre pas les mêmes problèmes puisque, avec l'Allemagne, la France et l'Espagne, elle fait partie des pays les plus producteurs de farines animales.

Or, cette enquête était connue des gouvernements européens depuis août dernier, date de sa publication. Aucun des pays classés «à risque probable» n'a pris alors les mesures prises aujourd'hui. Tous ont attendu la nouvelle crise de la vache folle. Les rapporteurs y voient là la «cécité» des Etats européens. Mais ce n'est pas un problème de nerf optique des chefs de gouvernement et des ministres. Les responsables politiques sont depuis toujours d'abord sensibles aux intérêts économiques de la filière bovine et des industries agro-alimentaires, y compris ceux qui se chargeaient de la fabrication des farines animales.

Les Etats européens n'avaient pas pipé mot après que le gouvernement britannique eut interdit en 1989 l'usage des farines animales sur son sol, tout en continuant leur exportation entre 1990 et 1995, parfois sous pavillon irlandais. Il avait fallu attendre la crise de 1996 et l'embargo sur le boeuf britannique pour que le problème des farines animales devienne de notoriété publique. En 1998 s'exerçaient encore diverses pressions pour qu'on oublie la menace de l'ESB. Et ce n'est qu'avec cette nouvelle crise que certains Etats européens ont finalement pris des mesures contre les farines animales et la consommation des abats considérés comme dangereux.

Et la discrétion dont bénéficient les entreprises, jamais nommées, qui se chargent de la fabrication des farines animales trouve les mêmes explications. Il reste encore à trouver des solutions techniques à l'incinération des farines animales.

En attendant, on va continuer de les fabriquer d'abord parce que leur interdiction n'est pas encore totale et définitive, mais aussi et surtout parce que, comme dans toute cette histoire, commande d'abord la folie de la loi du profit.

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