Loi contre l'exclusion : Martine Aubry en dame patronnesse22/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1680.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Loi contre l'exclusion : Martine Aubry en dame patronnesse

Dressant un bilan de la loi votée en juillet 1998, censée prévenir et lutter contre " l'exclusion ", la ministre du Travail, Martine Aubry, affiche une parfaite autosatisfaction. " La mise en Ïuvre d'une loi ambitieuse, au champ vaste, mettant en jeu des acteurs multiples constituait une gageure. Deux ans après, (...) on peut affirmer que le pari a été tenu ", déclare-t-elle.

Pourtant, une telle loi est, de la part du gouvernement, un aveu d'impuissance. Alors que selon les chiffres officiels, le chômage est en diminution depuis deux ans, il subsiste 6 millions d'" exclus ". Nombre de ceux qui ont trouvé ou retrouvé un petit boulot ne sont pas sortis de l'ornière, étant donné la faiblesse des salaires et la précarité imposée par le patronat (et l'Etat en ce qui concerne les CDD dans la Fonction publique). Le gouvernement se refusant à embaucher directement et à interdire les licenciements collectifs dans les entreprises qui font des bénéfices, il ne reste plus aux ministres qu'à se pencher sur le sort de la population exclue d'un minimum de moyens d'existence.

Cela n'empêche pas Aubry de pavoiser. " Les engagements financiers pris lors du vote de la loi ont été tenus et même dépassés, (...) grâce à un effort financier de l'Etat de 42 milliards de francs en trois ans ", proclame-t-elle.

Près de la moitié des crédits (20 milliards) sont consacrés à " l'emploi ". Sous les appellations " Nouveaux départs " et " programme Trace ", il n'y a rien de très nouveau. Des personnes depuis longtemps au chômage et des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté sont convoqués à des entretiens pour les inciter à rechercher du travail, même s'il s'agit d'emplois au rabais ou précaires tels que les contrats emplois solidarité, ainsi que les contrats de qualification que le gouvernement a décidé d'étendre aux adultes. Le financement de ces contrats est inscrit dans le budget de " lutte contre les exclusions ", y compris les contrats de qualification pour lesquels l'Etat verse une prime en fonction de l'ancienneté du chômage et exonère l'employeur de cotisation de Sécurité sociale jusqu'au niveau du Smic. De l'argent public est donc versé dans la poche des patrons, au nom de la lutte contre l'exclusion bien sûr !

Il est difficile de connaître la part du budget de " lutte contre l'exclusion " qui bénéficiera aux plus pauvres. Huit milliards (toujours sur trois ans) sont destinés à " l'action sociale et la revalorisation des minima sociaux ". Cela peut faire riche, mais le minimum vieillesse, par exemple, est passé de 3 540 francs à 3 575 francs par mois en janvier dernier : les déclarations de victoire d'Aubry sont ainsi ramenées à de plus justes proportions.

La mise en place de la CMU (couverture maladie universelle), constitue certes un progrès... pour ceux qui en bénéficient. Selon Martine Aubry, " le nombre de personnes couvertes par la CMU complémentaire, 4,5 millions à la rentrée 2000, est déjà supérieur de 1,8 million à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale ". Aubry oublie simplement de rappeler que les personnes qui touchent le minimum vieillesse ou l'allocation d'adulte handicapé ne peuvent pas bénéficier du remboursement à 100 %, car elles sont considérées comme pas assez pauvres ! Le gouvernement a en effet institué un plafond de 3 500 francs par mois, juste en dessous du montant de ces allocations, pourtant bien insuffisantes pour vivre.

Un tel couperet continue d'être critiqué par des associations d'aide à la population en difficulté, avec lesquelles le gouvernement prétend mener la concertation. Selon " Médecins du monde ", si le seuil de pauvreté était relevé à 3 800 francs, deux millions de personnes supplémentaires bénéficieraient d'une prise en charge complète.

En fait il faudrait bien autre chose qu'un saupoudrage des aides parcimonieuses de l'Etat pour en finir avec la misère et l'exclusion qui se sont étendues à des millions de personnes. Il faudrait prendre sur les profits pour éradiquer le chômage, augmenter substantiellement les salaires et, bien sûr, les minima sociaux, embaucher dans les hôpitaux, les écoles, pour des services publics réellement capables de faire face aux besoins, embaucher massivement pour construire les logements nécessaires, etc. Ce ne sont ni les capitaux ni les bras qui manquent. Il faudrait seulement empêcher une minorité de profiteurs qui accaparent l'essentiel des richesses produites de continuer à nuire à toute la société.

Mais ce n'est pas le gouvernement Jospin qui s'attaquera à cette tâche.

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