Il y a 40 ans : 30 juin 1960, l'indépendance du Congo30/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1668.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Il y a 40 ans : 30 juin 1960, l'indépendance du Congo

Le 30 juin 1960, la Belgique octroyait l'indépendance politique au Congo, son ancienne colonie d'Afrique centrale. Le roi Baudoin transmettait le soin à Joseph Kasavubu et à Patrice Lumumba, respectivement président de la République congolaise et Premier ministre, leaders des deux principaux partis nationalistes, d'assurer l'ordre social et politique. L'impérialisme belge était bien décidé à agir pour que soient préservés ses intérêts économiques et politiques dans le cadre du nouvel Etat indépendant.

Grand comme près de 79 fois la Belgique " l'Etat indépendant du Congo " fut créé de toute pièce au XIXe siècle par le roi Léopold II qui en fit sa propriété personnelle avant de le céder à l'Etat belge. Entre les deux guerres, le Congo enrichissait les grands groupes financiers comme la Société Générale de Belgique. La SGB contrôlait des dizaines de compagnies dont les trusts miniers comme l'Union minière du Haut-Katanga ou la Forminière. Implantés essentiellement au Katanga, province minière du sud du pays, ces trusts pillèrent le sous-sol congolais.

Cependant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des mutineries, des révoltes, des grèves et des émeutes ébranlèrent sérieusement l'édifice colonial. Un mouvement indépendantiste était en train de naître sur tout le continent africain. La mobilisation s'amplifiait dans les grandes villes et les centres industriels, culminant avec les émeutes de Léopoldville de janvier 1959 (50 morts et 300 blessés). Face à ce développement du mouvement d'émancipation coloniale, l'impérialisme belge organisa une table ronde avec les leaders nationalistes à Bruxelles. La date de l'indépendance fut fixée au 30 juin 1960.

Une indépendance octroyée par l'impérialisme

Il n'était pas question d'abandonner aux Congolais la jouissance de leur sous-sol, encore moins le pouvoir réel. Il s'agissait d'organiser la transition en contrôlant le nouveau pouvoir issu de l'indépendance, en particulier par le biais de l'armée composée uniquement d'officiers blancs.

Le jeune gouvernement du Congo indépendant fut donc mis en place sous le contrôle rapproché de l'impérialisme. Les membres du gouvernement, triés sur le volet, faisaient partie de ce que l'on appelait " les évolués ", une " élite " qui, avant l'indépendance, réclamait un traitement de faveur la différenciant des " sauvages de la brousse ". Le président de la République, Joseph Kasavubu, était un ancien séminariste catholique, leader de l'Abako (association des Bakongo), l'un des principaux partis indépendantistes. Il avait été choisi pour sa grande modération et était considéré comme le " bon élève " de l'impérialisme. Patrice Lumumba, Premier ministre dans le nouveau gouvernement, était un nationaliste au langage nettement plus radical. Issu d'un courant libéral, Lumumba avait fondé le MNC (Mouvement national congolais) en 1958, dont il devint le porte-parole.

Or, les prolétaires de l'industrie minière comme les masses misérables des quartiers surpeuplés de Léopoldville, de Stanleyvile ou d'Elisabethville ; les paysans pauvres des villages comme les soldats, tous attendaient de l'indépendance une amélioration de leur niveau de vie, un travail, une reconnaissance de leur dignité.

Dès juillet 1960 les soldats noirs, qui ne supportaient plus l'arrogance des officiers blancs du haut-commandement militaire, laissé en place, se révoltèrent. La mutinerie commença dans le Bas-Congo. Le gouvernement lança au devant des rebelles les forces " loyales " mais ces dernières se rallièrent à la rébellion qui se répandit comme une traînée de poudre. Il dut également affronter la contestation des employés qui, à l'imitation des soldats, demandaient le démantèlement de l'administration coloniale. L'africanisation pour eux ne signifiait pas le " contrôle " des fonctionnaires belges par des Congolais mais leur remplacement pur et simple, à tous les échelons. En août, éclatèrent de graves conflits sociaux. Grève des ouvriers de l'Otraco à Léopoldville, émeute à Cocquihatville. Les travailleurs réclamaient une prime de l'indépendance, une augmentation de 30 % des salaires et surtout refusaient d'attendre le bon vouloir des nouvelles élites qui, à peine installées au pouvoir, s'octroyaient des traitements abusifs.

Pour conserver son crédit et ne pas être débordé par le mouvement des masses, Lumumba dénonça les accords passés précédemment avec la Belgique, accords qu'il avait lui-même approuvés. Il lança l'anathème contre les officiers belges, " démissionna " le général belge qui commandait la Force publique (l'armée coloniale), négocia avec les soldats une africanisation de l'armée, promettant une augmentation de la solde et l'accès aux grades jusqu'alors réservé aux Blancs. Dès lors, la suite des événements - et la logique de ceux-ci - accentua le fossé entre l'impérialisme et Lumumba, qui déclarait faire siennes les aspirations des masses congolaises.

La sécession katangaise

Lorsque la mutinerie gagna le Katanga et menaça les intérêts des trusts miniers, des troupes belges intervinrent rapidement pour rétablir l'ordre colonial dans la province, tandis que l'Union minière katangaise, soutenue au plus haut niveau par le Premier ministre belge Eyskens et le proconsul belge en Afrique centrale, d'Aspremont Lynden, suscitèrent la sécession de la province minière et la création d'un gouvernement katangais, à la tête duquel fut parachuté Moïse Tschombé, un nationaliste opposé à Lumumba.

La rébellion s'étendit à tout le pays et provoqua la débandade de l'administration coloniale et la fuite des fonctionnaires belges. Bruxelles décida alors une intervention militaire et envoya à la mi-juillet près de 10 000 hommes pour " assurer la protection de ses ressortissants ". Cette intervention créa de fait un cordon sanitaire entre le Katanga et le reste du Congo où régnait l'effervescence.

Financé par les milliards des trusts miniers, Tschombé, homme de paille de Bruxelles, se trouvait à la tête d'une armée encadrée par des officiers belges et des mercenaires. La création de " l'Etat du cuivre " illustrait le tournant politique opéré par l'impérialisme belge lors de la crise de juillet 1960 : séparer la province la plus riche du reste du Congo, y assurer l'ordre colonial afin d'en extraire le minerai en toute tranquillité et utiliser la région comme tête de pont pour installer à Léopoldville un gouvernement modéré favorable aux intérêts de la Belgique.

Dans sa politique de balkanisation du Congo pour mieux réduire le mouvement d'indépendance, l'impérialisme belge attisa les rivalités tribales et ethniques au nord du pays entre Luluas et Balubas, suscita une autre sécession au sud-Kasaï. Un autre leader nationaliste, Kalonji, créa un Etat " indépendant " qui reçut le sobriquet de " République de la Forminière " du nom de la filiale de la Société générale de Belgique qui y contrôlait l'extraction du diamant !

L'ONU intervient pour rétablir l'ordre impérialiste

Incapable de " pacifier " le Congo, faute d'une armée suffisante, l'impérialisme belge se résigna à l'intervention de l'ONU réclamée par Lumumba lui-même comme protection contre " l'agression extérieure " de l'armée belge. Entre-temps, les troupes de l'armée congolaise de Lumumba, dont l'objectif était de rétablir l'unité du Congo, réduisaient la sécession du sud-Kasaï, occupaient la capitale et menaçaient sérieusement " l'Etat Katangais ".

Les casques bleus ne s'embarrassèrent même pas de l'apparente neutralité qu'affiche l'ONU en pareil cas. Leur intervention préserva de fait les intérêts belges, servit à mettre des bâtons dans les roues au gouvernement Lumumba, lui refusant toute aide, et sauva la mise à l'Etat fantoche katangais. Ainsi pendant plusieurs mois, les forces de l'ONU défendirent la sécession katangaise contre le soulèvement armée de la paysannerie Muluba, dans le nord de la province, protégeant les centres industriels, les trains miniers ou militaires. Cette vaste jacquerie de plusieurs dizaines de milliers d'hommes, dirigée contre les centres de la colonisation fut sauvagement réprimée. Mercenaires et gendarmes katangais exterminèrent des milliers de paysans, incendièrent des centaines de villages tandis que l'ONU, complice, multipliait les protestation platoniques.

L'assassinat de Lumumba

L'impérialisme belge décida de se débarrasser de Lumumba parce que celui-ci devenait un obstacle à ses plans néo-coloniaux. C'est ainsi que les représentants de l'ONU (notamment Hammarskjöld, son secrétaire), de la monarchie et des multinationales belges, de la CIA, agirent de concert, préparant son élimination politique et physique, tout en s'appuyant sur un inconnu : le colonel Mobutu. Cet ancien agent de la sûreté belge fomenta un coup d'Etat, le 14 septembre.

Mis en résidence surveillée à Léopoldville, Lumumba ne joua dès lors plus aucun rôle politique. Après une tentative de fuite qui échoua, il finit par être rattrapé par la soldatesque de Mobutu et fut assassiné au Katanga le 17 janvier 1961. L'assassinat de Patrice Lumumba, dirigeant nationaliste et chef du premier gouvernement indépendant du Congo, avait été décidé au plus haut niveau par le pouvoir belge. Ses hommages à la dignité du peuple congolais, ses vibrants discours nationalistes lui avaient valu un soutien populaire de masse, en même temps que l'hostilité et même la haine notamment du roi des Belges et de son entourage.

Ce n'est qu'au terme d'une répression féroce qui dura plusieurs mois, voire plusieurs années, procédant à des milliers d'arrestations d'opposants dans les villes, massacrant les populations civiles, organisant des expéditions de rapines, semant la terreur dans les cités de Léopoldville, que les bandes armées de Mobutu, appuyé par l'impérialisme, réussirent à mettre un terme au processus de l'indépendance congolaise et à jeter les bases d'une dictature militaire : celle d'un Mobutu, fidèle serviteur de l'impérialisme, qui allait durer plus de trente ans.

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