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Guerre d'Algérie : Des militaires tortionnaires ... toujours amnésiques
Le Monde a publié le 20 juin le témoignage d'une ancienne militante du FLN algérien qui, torturée durant plusieurs mois en 1957 à Alger, voudrait aujourd'hui retrouver la famille du médecin militaire français qui l'a sauvée en l'aidant à quitter le centre de torture.
A cette occasion, Massu, qui commandait alors les troupes françaises à Alger et, en conséquence, les tortionnaires qui y opérèrent, et Bigeard, un de ses adjoints de l'époque, ont été interrogés sur la pratique de la torture durant la guerre d'Algérie.
Massu regrette du bout des lèvres, minimise son rôle mais au fond confirme : " A ce point-là, je ne savais pas, je n'étais pas directement dans le coup. Le principe de la torture était accepté, mais personnellement j'avais autre chose à faire, et je n'y ai jamais été directement mêlé ". Quant à Bigeard, apparemment pas d'accord avec Massu, il nie effrontément en parlant de lui à la troisième personne, comme si de toute façon il s'agissait de quelqu'un d'autre : " Ce papier est malvenu ; Bigeard reste un modèle pour la France, vous faites mal à ce type qui vit pour son pays. "
En revanche, quand il s'agit de dégager sa responsabilité et de faire porter le chapeau aux gouvernements de l'époque, la mémoire revient à Massu : " Les civils, membres du gouvernement, trouvaient cela très bien. Je pense en particulier à deux d'entre eux... ". Ce fut effectivement la politique des gouvernements d'alors de donner encore davantage de pouvoirs à l'armée, d'encourager ou de couvrir ses exactions à l'encontre du FLN et de la population algérienne. En mars 1956, la quasi-totalité des députés, PCF compris, votaient les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, le chef du gouvernement. Ce dirigeant de la SFIO, le parti socialiste de l'époque, les utilisa pour intensifier la guerre. Ainsi, il donna des pouvoirs d'exception au super-préfet d'Alger, Lacoste, un de ses compères de la SFIO, lequel, en janvier 1957, donna carte blanche à Massu pour agir comme il l'entendait.
L'énorme majorité des dirigeants socialistes de l'époque, les gouvernements de droite qui leur succédèrent, les officiers, hormis quelques exceptions, tous furent complices de la pratique de la torture qui dura en Algérie jusqu'à la fin de la guerre. Ils le firent au nom de la " raison d'Etat ". Peu nombreux furent ceux qui la dénoncèrent.
Cet Etat, aujourd'hui, en est seulement à exprimer quelques repentirs pour les crimes de Vichy, dont on parla bien peu pendant longtemps. Quant aux exactions de la guerre d'Algérie, alors que cela fait plus de 40 ans que l'essentiel est connu, l'heure des repentances n'a pas encore vraiment sonné ; le temps sans doute pour les derniers survivants, tortionnaires d'alors et leurs donneurs d'ordre, de mourir tranquilles.