Le bilan de cinq ans de " PARE " à la sauce anglaise23/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1667.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le bilan de cinq ans de " PARE " à la sauce anglaise

Cela fait plusieurs années que les chômeurs britanniques connaissent une version locale de ce PARE que propose aujourd'hui le Medef en France.

L'origine en remonte à octobre 1996, lorsque le gouvernement conservateur d'alors réduisit à six mois (au lieu d'un an) le droit automatique aux allocations chômage, tout en réduisant le niveau de ces allocations pour les chômeurs de 18 à 24 ans (ceux de moins de 18 ans n'avaient déjà plus droit à rien).

Passée cette période de six mois, les chômeurs touchaient une allocation réduite, et encore à la condition expresse de satisfaire à divers tests d'" employabilité ". Ainsi ceux qui ne se montraient pas prêts à prendre un emploi plus mal payé que leur emploi précédent, ou encore ceux qui ne se rendaient pas aux interviews d'embauche (même bidon) ou encore qui refusaient le énième " stage " pour apprendre à rédiger un CV, se voyaient mis à l'amende, perdant la moitié ou la totalité de leurs allocations (y compris l'allocation-logement sans laquelle il est impossible de se loger dans les grandes agglomérations).

Il faut dire pourtant que ce système fut d'une efficacité inégale à réaliser son objectif - imposer aux chômeurs de prendre le premier emploi venu, sans condition de salaire. Et ceci en grande partie parce que ceux qui étaient chargés de son application, dans la plupart des cas des fonctionnaires eux-mêmes très mal payés, rechignaient à en appliquer les aspects les plus répressifs ou humiliants pour les chômeurs. Néanmoins, après un an de ce système, les spécialistes estimaient qu'il était responsable de l'essentiel de la réduction d'un demi-million de chômeurs durant cette période. Non pas d'ailleurs que ces chômeurs avaient tous trouvé un emploi, mais beaucoup se tenaient à l'écart des agences de chômage, n'ayant plus rien à en attendre.

Lorsque les travaillistes arrivèrent au pouvoir en mai 1997, ils commencèrent par oublier bien vite la promesse qu'ils avaient faite d'en revenir à l'ancien système d'indemnisation chômage. Non seulement ils gardèrent le système qu'ils avaient hérité des conservateurs, mais ils l'aggravèrent considérablement avec l'introduction de la " Nouvelle Donne " en janvier 1998.

Cette " Nouvelle Donne " visait les chômeurs de moins de 25 ans qui étaient au chômage depuis au moins six mois. En plus des tracas bureaucratiques du système en vigueur, on leur alloua un " orienteur " destiné à les " aider " à trouver un travail. Mais les travaillistes ne firent pas la même " erreur " que leurs prédécesseurs : ils confièrent la tâche d'exercer ces pressions sur les chômeurs à des sous-traitants spécialisés du privé, dont par exemple Reed Personal Services, le numéro Un du travail temporaire dans le pays.

Au bout d'un certain temps, variable suivant les cas, les chômeurs en cours d'" orientation " devaient avoir opté pour l'une de quatre options possibles : soit un stage de formation (dont la gestion devint le fromage de toute une industrie de " consultants " avec la caution des appareils syndicaux qui siègent dans les organismes gestionnaires) ; soit une bourse d'étude universitaire à plein temps (mais il faut avoir les moyens car les bourses sont encore plus faibles que les allocations chômage) ; soit un emploi dans un organisme bénévole (donc non soumis au salaire minimum, entre autres) ; soit, enfin, un emploi dans le privé, moyennant une subvention de l'Etat à l'employeur d'environ 3 000 F par mois sous prétexte de récompenser un effort de formation (en fait un tiers des patrons concernés disent eux-mêmes qu'ils n'en fournissent aucune).

Lorsque cette " Nouvelle Donne " fut introduite, les travaillistes ne prirent d'ailleurs même pas la peine de dissimuler leurs objectifs. Le ministre des Finances Gordon Brown expliqua par exemple : " Le gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour que le patronat tire le meilleur parti de ces mesures en particulier pour résoudre leurs problèmes d'embauche ". Car, à l'époque déjà, comme aujourd'hui en France, le patronat se plaignait amèrement de ne pas trouver de main-d'oeuvre pour les emplois les plus mal payés.

Le bilan de cette " Nouvelle Donne " peut être illustré par des statistiques assez complètes parues à la fin 1999. Selon ces chiffres, sur la totalité des chômeurs de moins de 25 ans soumis à la " Nouvelle Donne ", à peine plus de 20 % avaient trouvé un emploi dans le privé dit " durable " (c'est-à-dire d'au moins 3 mois), 10 % avaient duré moins de 3 mois dans leur emploi, 30 % avaient disparu du système d'allocation sans trouver d'emploi et le reste, 40 %, était divisé à peu près également entre les emplois à peine payés des institutions bénévoles et les stages de formation de tous niveaux.

Ce qui est sans doute le plus frappant, c'est que, malgré les subventions considérables ainsi versées au patronat, le budget du chômage enregistra en 1998-99 un surplus de 9 milliards de francs par rapport aux prévisions basées sur l'année 1997-98, surplus que les commentateurs ont attribué bien plus à la réduction forcée du nombre de chômeurs indemnisés qu'à leur retour sur le marché du travail.

Moyennant quoi Blair se vante d'avoir réduit le chômage britannique au minimum européen et d'avoir créé un " marché du travail flexible " - où la classe ouvrière est censée être corvéable à merci suivant les besoins du profit capitaliste. Ce n'est pas pour rien si la Grande-Bretagne arrive dans les premières places en Europe aussi bien pour la proportion des emplois à temps partiel parmi les bas salaires, que pour la longueur de la semaine de travail moyenne ou encore pour le nombre des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté !

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