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- Lutte ouvrière n°1666
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Editorial
L'avenir qu'ils nous préparent... et l'avenir qu'ils se préparent
Le ministre socialiste des Finances, Laurent Fabius, a rencontré récemment ceux des dirigeants des trusts pétroliers qui ont daigné accepter son rendez-vous et ensuite, comme prévisible, il a avoué son impuissance à faire baisser le prix de l'essence, en augmentation depuis plusieurs mois malgré la baisse du prix de production.
Il y a neuf mois, le Premier ministre, Jospin, s'était déclaré tout aussi impuissant à empêcher les licenciements annoncés de façon provocante par Michelin.
Ce gouvernement sait faire donner les CRS et utiliser la contrainte contre les 23 sans-papiers, en grève de la faim à Lille. Mais il se refuse à utiliser la contrainte contre les grands trusts, même lorsque ceux-ci jettent à la rue et dans la misère des travailleurs, aggravent le chômage et grugent des millions de consommateurs.
Il ne s'agit pas d'impuissance. Ce gouvernement qui se prétend socialiste a choisi son camp. Il est clairement, nettement et en toutes circonstances du côté du grand patronat, du côté des riches !
Malgré une situation économique qu'on nous dit favorable, l'offensive du patronat et du gouvernement contre les conditions d'existence des travailleurs se poursuit et s'aggrave. Même la reprise commence à servir de prétexte au patronat pour obtenir une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci. Il y est déjà parvenu dans une large mesure tant la précarité et le temps partiel imposé tendent à se généraliser dans le monde du travail. Mais cela ne suffit pas. Car, dans les négociations actuelles sur le chômage, le patronat veut imposer aux chômeurs d'accepter n'importe quelle proposition de travail, même si elle n'a rien à voir avec sa qualification.
Cela pour n'importe quel salaire, c'est-à-dire le smic, et même moins si l'emploi est à temps partiel. Mais cela ne suffit pas au patronat, il veut en plus imposer que la notion même de contrat à durée indéterminée disparaisse et que les patrons aient le droit d'embaucher et de licencier sans la moindre contrainte légale et sans même avoir à payer des indemnités de licenciement.
Dans cette offensive contre les salariés, le patronat peut compter sur le soutien du gouvernement. Car c'est ce gouvernement qui lui a déjà fait le cadeau, avec la loi Aubry, de légaliser la flexibilité et l'annualisation du temps de travail, c'est-à-dire le droit des patrons de fixer les horaires de travail à leur gré.
L'arrogance du patronat, le cynisme du gouvernement à son service ne connaissent pas de limite. Mais qu'ils se méfient ! Les mouvements qui se multiplient annoncent déjà un mécontentement qui monte et qui pourrait bien se transformer en colère.
Seillière, chef du patronat, richissime héritier des maîtres de forge de Wendel, ose appeler les dernières exigences antiouvrières du Medef, la " refondation sociale ". Pour ces gens-là, le progrès se limite au progrès de leurs profits et, pour le reste, c'est le retour en arrière. Retour en arrière dans les conditions d'existence des travailleurs, dans les services publics. Eh bien, qu'ils prennent garde, car ils connaîtront peut-être une refondation sociale qu'ils n'auraient pas imaginée dans leurs pires cauchemars !
Après la crise de 1929, qui a frappé la France au début des années 1930, avec le chômage qui a explosé, en particulier chez les jeunes, les patrons croyaient pouvoir faire ce qu'ils voulaient.
Eh bien, ils ne l'ont pas emporté au paradis des patrons ! Car ce sont justement ces coups contre les travailleurs, cette arrogance patronale qui ont conduit à l'explosion de 1936 !
Alors, Seillière, le Medef et toute la clique patronale, qui se croient aujourd'hui tout permis, préparent, sans le vouloir, une explosion sociale telle que juin 1936. Ils préparent les crises sociales, et non plus économiques, à venir. Et quand cette explosion se produira, il faudra que les travailleurs ne se laissent ni arrêter, ni duper, ni engager sur une voie de garage, mais qu'ils aillent jusqu'au bout, jusqu'à faire rendre gorge à tous ces parasites qui s'enrichissent en poussant le monde du travail vers la pauvreté.