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Leur société
Europe : Week-end patronal à Bruxelles
A la Pentecôte, le gratin du patronat européen s'est offert un petit week-end bruxellois. Non pas pour y goûter les spécialités gastronomiques du cru, mais pour un plat de résistance autrement consistant. Et après avoir rencontré le roi, tout ce petit monde passa aux choses sérieuses : l'Union des confédérations d'industrie et du patronat européen (UNICE, un Medef à l'échelle de quinze pays) venait faire du lobbying auprès d'une Commission qui fait office de conseil des ministres de l'Union européenne.
En toute démocratie et pour préserver la sérénité de leurs discussions entre gentlemen, patrons et commissaires européens avaient fait protéger leur réunion par une débauche de gendarmes royaux, de canons à eau. Et quand samedi, des manifestants d'ATTAC et d'autres organisations ont manifesté, ils ont été brutalement dispersés, tandis que 80 d'entre eux étaient interpellés.
Les commissaires européens présents (onze, plus de la moitié de l'effectif, dont leur président, Romano Prodi) ont donc sagement écouté les patrons européens, et pris bonne note de leurs desiderata. Interviewé dans la presse, le président de l'UNICE a tenu à préciser : " Une dizaine de commissaires (venant nous entendre) ne sont donc pas de trop aujourd'hui. Il n'y a pas pour autant concussion "... Comme si l'on pouvait imaginer des choses pareilles !
Depuis que la Commission européenne existe, il n'est effectivement nul besoin d'invoquer une éventuelle concussion de sa part, pour constater qu'elle n'a jamais rien eu à refuser au patronat, et d'abord aux grandes multinationales. Et cela, même si - et c'est une des contradictions de l'Union européenne - il est parfois bien difficile aux commissaires, nommés par les Etats nationaux, de choisir entre des firmes, elles aussi nationales et aux intérêts rivaux.
Mais, cette fois-ci, cela tombait bien, l'unanimité semblait de règle côté patronal pour réclamer toute une série de mesures. La Commission aura donc encore moins de peine à les satisfaire.
L'UNICE était venue en effet réclamer des mesures en faveur des entreprises dites innovantes, celles que chouchoutent tous les gouvernements, au nom du progrès scientifique et technologique (cela, c'est pour que les députés puissent justifier devant leurs mandants les subventions qu'ils votent), et en fait parce qu'elles sont " le plus grand réservoir de share holder value (de création de valeur pour l'actionnaire) ", comme il a été précisé à Bruxelles.
Outre l'" innovation ", l'UNICE n'a rien réclamé d'autre de vraiment neuf à la Commission européenne : juste d'" accroître la flexibilité du marché du travail ", car le patronat en veut toujours plus, et donc veut en donner toujours moins aux salariés ; et aussi de " simplifier les processus réglementaires et la fiscalité " (en clair d'alléger les impôts pour les capitalistes et de leur rendre les lois encore moins contraignantes) ou encore de " construire l'acceptation des consommateurs (européens face aux) biotechnologies " (à charge des autorités européennes d'habiller ces biotechnologies, notamment dans le domaine agroalimentaire, pour que les consommateurs se précipitent sur leurs produits, tout en mettant une sourdine aux informations qui pourraient laisser planer des doutes quant à leur innocuité pour la santé).
Au bilan, et toute " concussion " mise à part, une chose est donc au moins claire : on sait désormais quelles mesures la Commission européenne va impulser dans les mois qui viennent. Au nom de ce que ces gens-là appellent la " construction européenne ", bien évidemment...