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Dans le monde
Ile de la Réunion : Tout pour les patrons rien pour les travailleurs
Même si la loi d'orientation pour les DOM-TOM n'est pas encore définitivement votée, ses grandes lignes ainsi que les interventions des députés présents au débat (20 sur 577) donne une idée de ce qu'elle sera. Rien de différent en tout cas de tous les projets élaborés auparavant (PDA, rapport Lise-Tamaya, rapport Fragonard). Comme eux, le projet de loi présenté par Queyranne, le ministre des DOM-TOM, se fixe officiellement pour but de " favoriser l'emploi " ; mais comme tous les précédents projets, la loi d'orientation se traduit quasi exclusivement par de nouveaux cadeaux au patronat.
Qu'on en juge ! Le gouvernement reconduit la loi de défiscalisation, dite loi Pons, jusqu'en 2002, ce qui a fortement mécontenté les députés de gauche qui voulaient la reconduire jusqu'en 2004. Si les riches ne peuvent plus planquer leur fric dans les ex-colonies, où va-t-on ? Mais Queyranne a tenu à rassurer les banques et tous ceux qui ont de l'argent à placer : la loi Pons arrivera à son terme et sera remplacée par d'autres dispositions dont on ne connaît pas encore le contenu mais qui ne seront certainement pas moins favorables. Les riches n'ont pas à se faire de souci.
En guise de plat de résistance, le gouvernement propose d'exonérer de cotisations sociales tous les patrons exploitant moins de onze salariés. Cela représente 32 500 F de gain par salarié et par an. La très grande majorité des entreprises réunionnaises (95 %) sont concernées. Et à cela s'ajoutent des exonérations concernant les secteurs " exposés " comme le bâtiment, le tourisme, la presse ou la pêche : entreprises ayant bien plus de dix salariés et qui sont loin d'être en difficulté.
Indignés, nos députés de " gauche " locaux, Claude Hoarau (PCR) et Michel Tamaya (PS), ont trouvé que ces dispositions n'allaient pas encore assez loin. Ils ont donc réclamé à cor et à cri que l'exonération de cotisations sociales concerne les entreprises ayant jusqu'à vingt salariés. Ils ont aussi demandé que tout " créateur d'entreprise " soit exonéré de cotisations sociales pendant 24 mois. Ils ont eu gain de cause sur le second point.
C'est dire qu'en cette Assemblée nationale ne siège aucun défenseur des travailleurs, des chômeurs et des RMIstes. Pour ces derniers, le gouvernement, suite à la protestation respectueuse des députés réunionnais, a daigné faire un petit geste en réduisant le délai pour établir l'égalité du RMI entre les DOM et la France. De cinq, il l'a ramené à trois ans. Trois ans à attendre, visiblement la situation des pauvres ne presse pas, pour Queyranne et ses amis de la gauche plurielle. Pourtant, d'après le PCR, la mesure ne coûterait que 200 millions de francs, bien peu comparé aux deux milliards de cadeaux annuels que s'apprête à faire immédiatement le gouvernement aux patrons réunionnais.
Il y a encore un autre domaine où le gouvernement montre son profond mépris pour les travailleurs les plus exploités, ceux du privé (bâtiment, agriculture, etc.), c'est celui de la préretraite. Seuls auront la possibilité de partir en préretraite les travailleurs ayant 55 ans d'âge (la CGT revendique 50 ans), justifiant de cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise et dix ans de cotisations. S'il avait voulu écarter de la mesure une majorité de travailleurs, le gouvernement ne s'y serait pas pris autrement. D'ailleurs, il se garde bien de préciser quel sera le montant de la fameuse préretraite pour les travailleurs, alors que pour les patrons le discours est beaucoup plus explicite. A ceux qui ne voulaient entendre parler de ce dossier qu'à la condition de payer le moins possible, le gouvernement demande un financement à hauteur de 15 % seulement. Le reste sera payé par le Conseil régional et le Conseil général (12,5 % chacun), et par l'Etat qui se porte garant pour les 60 % restants.
En résumé, ce que propose le gouvernement, c'est que la préretraite soit financée sur les fonds publics, c'est-à-dire avec l'argent des travailleurs.
Enfin, pas plus qu'il ne dit avoir d'argent pour les RMIstes et les travailleurs usés par une vie de travail, le gouvernement ne dit en avoir pour le personnel communal sans statut (11 000 à la Réunion). Queyranne a déclaré que le " problème était délicat ", mais qu'il parlerait du volet financier aux maires concernés. Qu'est-ce à dire, sinon proposer à ces derniers de financer la mesure en prenant sur les budgets communaux, ce qu'ils ont d'ailleurs commencé à faire. Dans ce cas encore, puisqu'il s'agit des travailleurs, l'Etat n'a toujours pas d'argent.
Au vu d'une telle politique, comment ne pas dire que la gauche au pouvoir fait tout autant que la droite, si ce n'est encore plus, le jeu des riches. La gauche, en doublant la droite sur sa droite, condamne cette dernière à ne pouvoir critiquer que des points de détail. Et de cela, la gauche est fière. Elle dit : voyez la droite, elle n'a pas de programme ! Et pour cause, c'est la gauche qui applique son programme.
En attendant, nous, les travailleurs, les chômeurs et les RMIstes n'arrêtons pas de payer les pots cassés de cette politique anti ouvrière qui, en même temps, se traduit pas un enrichissement comme jamais des capitalistes, des bourgeois grands et petits. Et en plus, de la part de tous ces gens, nous devons subir leur morgue, assurés qu'ils sont du soutien de tous les gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche.
Alors, n'est-il pas temps que notre rage contenue s'exprime collectivement et que la peur change de camp ?