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- Lutte ouvrière n°1661
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Dans les entreprises
Snecma Evry - Corbeil (91) : L'art de sous-traiter pour surexploiter
La Snecma fabrique des moteurs d'avions. Ses affaires vont bon train, les carnets de commandes se remplissent et elle engrange des milliards. Tous les moyens sont bons pour faire encore plus de profits. L'entreprise fait de plus en plus appel à la sous-traitance. Elle réalise ainsi des économies substantielles sur la gestion de la main-d'oeuvre, divisant les salariés de l'entreprise en multipliant les statuts, les niveaux de salaires... et les patrons !
Sur plus d'une décennie, ce sont des secteurs entiers qui faisaient partie intégrante de l'entreprise (et ce dans toutes les usines du groupe, à Gennevilliers, à Villaroche ou à Corbeil), qui ont été ainsi livrés à la sous-traitance. Par exemple, la direction a elle-même créé de toutes pièces une entreprise sous-traitante qui s'occupe de matériaux composites.
A l'usine d'Evry-Corbeil, dans l'Essonne, en Ile-de-France (3 600 salariés dont un peu moins de 300 salariés sous-traitants), la Snecma et les patrons des sociétés sous-traitantes se veulent toujours rassurants à chaque passation de marché. La réalité ne le justifie pas. Depuis un an, le nettoyage des bureaux et ateliers est assuré par deux entreprises : ISOR et ARCADE (certaines années, trois sociétés se partagent le gâteau). Lors du changement de patron, les périmètres à nettoyer sont régulièrement modifiés par la Snecma. Résultat : plus de travail, des horaires encore plus contraignants, et une paye bien souvent révisée à la baisse pour les salariés de l'entreprise sous-traitante.
La passation des marchés ouvre la voie à toutes les magouilles entre la Snecma et les margoulins de la sous-traitance qui se comportent souvent en véritables négriers. Les salariés de METAREG, qui effectuent les vidanges-nettoyages à l'usine, en savent quelque chose. Ils passeront bientôt sous la coupe de COGELUB, sous-traitant de QUAKER, sous-traitant à son tour de la Snecma.
Récemment, les travailleurs de METAREG ont débrayé. Les raisons de mécontentement sont nombreuses pour ces salariés, à commencer par les conditions de travail déplorables. Vidangeurs et nettoyeurs interviennent dans toute l'usine et sont en contact avec des produits très dangereux. Par exemple, ils doivent nettoyer un appareil qui sert à filtrer les poussières venant d'une cabine de métallisation. Une trappe située à 2 m de hauteur permet d'accéder à l'intérieur d'un tuyau de 1,50 m de diamètre. Là, équipés d'un masque à induction d'air, éclairés par une lampe baladeuse, ils doivent retirer les boues présentes sur les parois. Quelquefois, il faut utiliser un burin pneumatique car la boue a durci.
Salaires en baisse et heures supplémentaires à gogo riment en général avec sous-traitance. Ainsi chez ABB, une entreprise qui s'occupe de la maintenance d'environ 300 machines, un jeune embauché touche déjà 2 000 F de moins qu'un salarié Snecma. Certaines fois, les journées peuvent atteindre 14 heures (" Il faut bien satisfaire le client "). Des semaines de près de 60 heures ne sont pas rares.
Voilà comment on accentue l'exploitation des salariés en prenant, parfois, des libertés avec la sécurité. Chez LOGIC LINE, société qui assure les transports de l'usine des pièces sur palettes, les caristes assurent plus de 1 000 transports par jour. Par souci de rentabilité, la Snecma et la direction de la société font pression pour une plus grande rotation des caristes et font ainsi courir des risques à tous dans l'usine. Palettes non conformes, allées encombrées, manque de visibilité, vitesse excessive des chariots, tout cela multiplie les risques d'accident dont la Snecma se lave les mains par avance, prête à accuser le cariste de négligence et à reporter la responsabilité sur la société sous-traitante.
Certes, le recours à la sous-traitance n'est pas propre à la Snecma, qui ne fait qu'imiter ce que font déjà toutes les grandes entreprises du pays. Cependant, le phénomène tend à se généraliser et il se traduit toujours par une dégradation des conditions de travail, un salaire en baisse, une précarité accrue pour le salarié sous-traitant.