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Dans le monde
Russie : La sale guerre de Tchétchénie
Depuis plusieurs jours, les autorités russes multiplient les déclarations contradictoires à propos de la guerre en Tchétchénie. En attendant, malgré la " fin des opérations militaires " claironnée, les combats continuent dans le sud de la Tchétchénie, où plusieurs milliers de combattants tchétchènes résistent aux troupes russes, mais aussi près de la capitale Grozny, où une colonne russe vient de tomber dans une embuscade.
Grozny a été rouverte le 17 avril dernier, du moins à ceux qui possèdent la propiska (le passeport intérieur) de cette ville. Encore faut-il, pour rentrer à Grozny, pouvoir graisser la patte aux soldats russes. Car même si les combats sont finis dans la capitale tchétchène, les soldats russes continuent à s'y conduire comme toutes les armées d'occupation : exactions (ils détruisent notamment les escaliers des immeubles encore debout en prévision d'une éventuelle guerre de rues), beuveries qui se terminent parfois en tueries, viols, etc.
Puisque la guerre est soi-disant finie, on publie des chiffres officiels des pertes russes. Le 13 avril dernier, le bilan faisait état de 2 119 soldats tués et 6 250 blessés. Mais l'Union des comités de mères de soldats russes estime que ces chiffres doivent être multipliés par 2,5 ou 3. La guerre est finie, mais il continue, officiellement, à mourir chaque jour au moins une dizaine de soldats russes (et vraisemblablement bien plus en réalité).
Comme d'autres avant elle, la guerre de Tchétchénie n'en finit plus de finir. Pour tel général opérant dans le Caucase du Nord, les opérations militaires étaient terminées et l'heure d'un règlement politique était venue. Mais dans le même temps, l'état-major des forces russes en Tchétchénie annonçait l'envoi d'un renfort de 3 000 parachutistes dans le sud du pays.
Les porte-parole de l'armée russe ont beau annoncer à intervalles réguliers l'élimination des " bandits tchétchènes ", le nombre des rebelles demeure immuable. Poutine joue cyniquement avec l'idée de la paix : lui qui n'a pas hésité à se servir de cette sale guerre pour assurer son élection, continue à en user à sa convenance. Quand il doit rencontrer des représentants des grandes puissances, il agite vaguement l'idée de la fin de la guerre. Mais quand il revient d'Occident, il renverse son discours : " Un processus politique est en cours, a-t-il dit, mais sans action militaire il est impossible de trouver une solution ".
Ceux qui rêvent d'un recours venant des grandes puissances ne sont pas mieux inspirés. Avec des discours sensiblement différents, les représentants des grands Etats impérialistes ont choisi de courtiser le nouveau patron du Kremlin. Les ministres des Affaires étrangères des puissances occidentales se relaient à Moscou. Poutine a été chaleureusement reçu par le Premier ministre britannique Tony Blair et la venue en Russie de Clinton est annoncée pour le début du mois de juin.
Quand ils doivent mettre les points sur les i, les porte-parole des grandes puissances distinguent soigneusement le " problème de sécurité " de la Russie en Tchétchénie du " génocide " au Kosovo. Mais quel que soit le choix des mots, au bout du compte, cela signifie toujours : au diable le sort des peuples !
Dans le cas présent, si Poutine veut bien laisser entrer quelques observateurs en Tchétchénie, l'honneur sera sauf. C'est ainsi qu'on vient de voir débarquer la présidente de l'Orgaisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'actuelle ministre des Affaires étrangères d'Autriche. Pour éviter d'être snobée par Poutine comme l'avait été la haute commissaire pour les droits de l'homme de l'ONU, la présidente de l'OSCE a eu le tact de ne pas dénoncer la violence faite aux civils tchétchènes. Elle a même gardé le sourire quand on l'a amenée dans un camp de réfugiés entouré de barbelés et gardé par des soldats russes.
Et pourquoi les grandes puissances devraient- elles être regardantes ? En matière de méthodes criminelles utilisées contre les peuples, Poutine a encore largement de quoi puiser dans leurs oeuvres. Et pas seulement à cause des crimes commis du temps des guerres coloniales, mais aussi dans les exactions qu'elles continuent de commettre dans l'Afrique des grands lacs, au Kosovo ou en Irak.