Italie : La politique de d'Alema ouvre la voie à Berlusconi21/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1658.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : La politique de d'Alema ouvre la voie à Berlusconi

C'est le leader de la droite et magnat de l'audiovisuel Silvio Berlusconi qui apparaît comme le vainqueur des élections régionales italiennes du 16 avril. Son parti Forza Italia, regroupé avec l'Alliance Nationale de Gianfranco Fini et la Ligue du Nord d'Umberto Bossi au sein du " Pôle des Libertés ", a en effet conquis la présidence de huit régions sur quinze, enlevant le Latium (région de Rome) et la Ligurie à la coalition de centre-gauche actuellement au gouvernement. Le président du Conseil et leader du centre-gauche Massimo D'Alema, a donné sa démission, devait demander un vote de confiance mercredi 19 avril.

A y regarder de plus près, le déplacement de voix de la gauche vers la droite est plus limité que les cris de victoire de Berlusconi ne peuvent le laisser croire. Globalement, le centre-gauche appuyé sur sa gauche par Rifondazione comunista obtient 45,1 % des voix contre 47,9 % lors des précédentes élections régionales en 1995, et le Pôle de Berlusconi 50,7 % contre 48,9 % en 1995, selon des résultats il est vrai encore incomplets. Mais le succès est amplifié par le mode de scrutin, dans lequel pour la première fois le vote pour les listes régionales des partis se doublait d'une élection directe des présidents de région au suffrage majoritaire : le bulletin de vote comportait, en face de chaque liste, le nom du candidat président de région qu'elle déclarait soutenir. Ainsi les électeurs de Rifondazione comunista, sortie il y a un an et demi de la majorité gouvernementale, votaient le plus souvent non seulement pour leur parti mais pour un candidat de centre-gauche, c'est-à-dire du gouvernement D'Alema.

En fait, le succès de Berlusconi est d'abord le fait d'avoir obtenu le soutien de la Ligue du Nord de Bossi à son " Pôle ", un soutien qui lui avait fait défaut par exemple lors des élections législatives de 1996, ce qui avait permis le succès du centre-gauche. A droite, seuls lui ont fait concurrence les candidats des " Radicaux " Emma Bonino et Marco Pannella, qui avaient cru pouvoir faire cavaliers seuls après leur percée aux élections européennes de l'an dernier. Mais ils ont été laminés, ne recueillant que 2,7 % des voix contre leurs 8,5 % de 1999.

La droite dirigée par Berlusconi apparaît ainsi comme bien placée pour remporter les prochaines élections législatives, prévues pour 2001, voire avant si elles sont anticipées. Et cela n'est pas tant dû aux capacités politiques, ni même à la popularité, du triste bateleur de foire Berlusconi qu'à la politique de cette gauche au gouvernement que dirige D'Alema, lui-même leader des DS (Democratici di Sinistra - Les démocrates de gauche), c'est-à-dire l'ex-Parti communiste italien qui n'a plus à la bouche que les mots de marché, privatisation, libéralisme, et l'on en passe.

La politique de ce centre-gauche, dont les DS sont le principal parti, au gouvernement depuis 1996, a consisté en une série ininterrompue d'attaques contre les travailleurs : plans d'austérité successifs, remise en cause des retraites, introduction des fonds de pension, privatisations, remise en cause des conventions collectives, blocage des salaires, précarisation accélérée de l'emploi que D'Alema claironnait il y a quelques mois en annonçant triomphalement que désormais " l'ère de l'emploi fixe est terminée ". Tout cela s'est fait avec la collaboration des confédérations syndicales, dans une ambiance de démoralisation et de désillusion croissante des travailleurs, favorisant l'émergence des réactions les plus individualistes, du chacun pour soi, la poussée des idées réactionnaires et notamment du racisme contre les immigrés dits " extra-communautaires ", sur lequel la droite a largement compté pour mener sa campagne.

Cette prétendue gauche a bien préparé le terrain au grand capitaliste arriviste Berlusconi. Celui-ci a étalé sans vergogne son argent et mené sa campagne sur un navire de luxe loué un milliard de lires par jour (3,3 millions de francs) et faisant escale successivement dans les ports de la péninsule ; mais c'est bien la gauche au gouvernement qui a fait l'apologie du marché, de la Bourse, de la nécessité pour les capitalistes de gagner de l'argent... et l'on comprend qu'une part de son électorat populaire traditionnel ne se déplace plus pour voter pour elle.

Ajoutons que Rifondazione comunista - la fraction de l'ancien PC ayant maintenu l'appellation communiste - bien que sortie de la majorité gouvernementale l'an dernier, n'a pas fait grand-chose pour se présenter comme une opposition de gauche au gouvernement D'Alema. Soucieuse avant tout de garder ses postes d'élus, elle a accepté l'accord électoral avec le centre-gauche malgré les réticences de nombre de ses propres militants. Ainsi, à la seule exception de la région Toscane où Rifondazione comunista présentait son propre candidat à la présidence, le vote pour Rifondazione était en même temps comptabilisé comme un vote pour les candidats du centre-gauche, parfois pour des ministres particulièrement anti-ouvriers. Un certain nombre de militants, voire des sections entières, avaient annoncé d'avance que, dans ces conditions, ils n'iraient pas voter.

Le plus dramatique, du point de vue de la classe ouvrière italienne, n'est certes pas la défaite électorale d'un D'Alema dont la politique vaut celle que mènerait un Berlusconi : c'est l'absence d'un parti qui le conteste vraiment sur sa gauche et d'un point de vue de classe ; l'absence d'un parti qui défende clairement les intérêts des travailleurs et leur ouvre des perspectives de lutte contre un patronat qui se sent tout-puissant, appuyé qu'il est par la politique de la gauche au gouvernement aujourd'hui tout comme par celle de la droite qui y sera sans doute demain.

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