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Sénégal - Élection présidentielle : Diouf battu, Wade n'apportera pas de changement
Le 19 mars, Abdoulaye Wade, candidat libéral du PDS (Parti Démocratique Sénégalais), est sorti vainqueur du second tour de l'élection présidentielle. Cela met fin à quarante ans de domination du Parti Socialiste dont les leaders, au travers de Léopold Senghor puis d'Abdou Diouf, se sont succédé au pouvoir depuis 1960, date de l'indépendance du Sénégal.
La victoire d'A. Wade a été accueillie par une foule en liesse dans les bidonvilles de Dakar et les faubourgs de toutes les grandes villes du pays. Elle exprimait ainsi son mécontentement à l'égard du président sortant.
Depuis 1981, Diouf était à la tête de l'Etat après avoir été des années durant le Premier ministre de Senghor. Il s'était surtout fait remarquer comme un bon valet de l'impérialisme français. Durant ces deux décennies, la situation de la population sénégalaise, et plus particulièrement des couches les plus pauvres, n'a cessé de se dégrader dans les villes comme dans les campagnes. Tandis que le clan de Diouf et la caste dirigeante plongeaient à pleines mains dans les caisses de l'Etat et protégeaient les profiteurs de tout poil, Diouf a appliqué la politique d'austérité que lui dictaient le FMI et ses bailleurs de fonds français et américains. Cela a conduit à des coupes franches dans les budgets sociaux (hôpitaux, éducation...), à l'abandon de nombreux services publics comme le ramassage des ordures ou l'entretien des routes, au blocage des salaires et à des licenciements massifs dans la fonction publique. La dévaluation brutale du franc CFA en 1994, imposée par la France et qui a divisé par deux la parité entre la monnaie locale et le franc français, n'a fait qu'amplifier la paupérisation, en provoquant l'augmentation des médicaments, des produits alimentaires et des vêtements importés. Selon l'hebdomadaire Jeune Afrique, 400 000 personnes vivraient aujourd'hui avec moins de 75 centimes par jour dans les bidonvilles de Dakar.
Pourtant, la population pauvre n'a pas grand-chose à attendre de celui qui s'est présenté comme l'incarnation du " sopi " (changement, en langue wolof). Car Wade, comme tous ceux qui s'opposaient à Abdou Diouf dans ces élections, n'est qu'un vieux routier de la politique et un démagogue qui a lui aussi sa part de responsabilité dans la situation actuelle. Après avoir rejoint L. Senghor, il fut longtemps un des cadres du PS avant de rompre avec lui en 1973. Passé dans l'opposition, à de multiples reprises il a tenté d'offrir ses services à A. Diouf. Il fut même par deux fois, en 1992 et 1995, son ministre d'Etat. A ce titre, il a cautionné la politique d'austérité et toutes les attaques contre le monde du travail. Le fait qu'il présente Moustapha Niasse, arrivé troisième des candidats du premier tour et fraîchement rallié à Wade, comme son futur Premier ministre, est tout un symbole. Après avoir été directeur de cabinet de Senghor et ministre de Diouf pendant dix-sept ans, Niasse a attendu jusqu'en 1999 pour rompre avec Diouf et le PS.
Alors, si les travailleurs, les paysans et les petites gens n'ont rien à regretter dans le fait d'avoir mis fin au règne de Diouf, ils n'ont pas grand-chose à attendre de son successeur. Abdoulaye Wade a su canaliser les voix de tous les mécontents, mais il ne défendra pas d'autres intérêts que ceux de son clan et ceux des privilégiés. En tout cas, il n'incarne aucunement le changement politique et social que la population sénégalaise attend.