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- Lutte ouvrière n°1655
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Tribune de la minorité
Le PCF cuvée 2000 : Rosé de Provence
Le Parti communiste nouveau est arrivé. Il garde la même étiquette. Mais de congrès en congrès le contenu est de plus en plus rose. Et même si Robert Hue s'est défendu de vouloir faire " un PS-bis ", c'est bel et bien un pas de plus dans cette direction.
Un pas de plus dans une évolution de longue date, car ce n'est pas d'aujourd'hui que le PCF n'est plus vraiment communiste, qu'il se dit parti des luttes mais se veut avant tout parti de gouvernement, et que les aspirations de ses élus, maires ou députés, comptent plus que celles de ses dizaines de milliers de militants ouvriers.
L'évolution s'est accélérée avec la disparition de l'URSS, et surtout le retour du PC au gouvernement en 1997. On a déjà vu la " citoyenneté " et le " sociétal " remplacer dans le langage du PCF toute référence à la classe ouvrière. On a vu le ralliement aux privatisations, sous prétexte d'" ouverture du capital ". L'innovation du congrès de Martigues tient surtout aux changements dans sa direction. Une place prépondérante y revient désormais, comme dans tout parti de politiciens bourgeois, de droit et plus seulement de fait, aux notables, députés, sénateurs ou maires de grandes villes, et on y a invité quelques personnalités issues de la mouvance socialiste ou anciens du Parti communiste qui ont adhéré ou de ré-adhéré pour cela à la veille du congrès.
Face à l'hémorragie de militants et à la chute des scores électoraux que le PC connaît depuis des années, cette mue réalisée sur les bords de l'Etang de Berre donnera-t-elle au PC de nouvelles ailes, comme le prétend Robert Hue ? Sur le plan électoral en tout cas, les mauvais résultats de liste " Bouge l'Europe ", qui se voulait préfiguration du nouveau PC, ne le laissent pas entrevoir.
Pour les municipales de l'an prochain, le PC préférera donc, une fois de plus, s'aligner sur le PS avec un accord électoral qui devrait lui permettre de conserver les municipalités qu'il dirige actuellement. Et le principal succès du week-end dernier pour Robert Hue est de s'être vu offrir par Jospin un quatrième poste de ministre.
Ces deux cadeaux du PS sont la contrepartie du soutien inconditionnel que le PC lui apporte au gouvernement. Avec le mécontentement que la politique du gouvernement suscite et qui s'est notamment traduit par les grèves aux impôts, dans les hôpitaux et dans l'enseignement, sans parler des multiples conflits locaux liés à l'application de la loi Aubry, Jospin a davantage besoin de la caution du Parti communiste.
Robert Hue la lui donne. Et il sert aux militants l'argument que le PC ne pourrait pas peser davantage sur la politique gouvernementale à cause des ses faibles scores électoraux. Mais cela ne semble pas les satisfaire tous. Loin de là.
La politique de Hue a probablement l'approbation d'une grande partie des militants de son parti, ne serait ce que faute d'une autre politique qui leur paraisse crédible. Mais entre l'opinion des militants de base et les 90 % à 95 % d'approbation donnés par le congrès à la politique de Hue, il a visiblement fallu un sacré filtrage. Le mécontentement à la base dépasse celui qui s'exprime au travers des courants d'opposition organisés. Il est probablement plus large que ne le montrent les 10 % à 14 % de votes contre, et 3 % à 5 % d'abstentions, qu'ont recueillis les divers textes de congrès dans les votes des militants, tels que les a publiés la direction.
L'essentiel ne tient évidemment pas au contenu de textes de congrès suffisamment alambiqués pour que chacun puisse y retrouver un peu de ses aspirations, ni à la composition d'un Comité national où l'entrée d'un responsable de SOS-racisme ou d'une figure des sans-papiers peut sembler compenser celle d'un architecte mitterrandiste.
C'est de la politique du gouvernement que vient le principal mécontentement de nombre de militants du parti communiste, et particulièrement de ses militants ouvriers. Ces militants-là, qui tiennent bien davantage à l'étiquette communiste que leurs dirigeants, sont certes d'année en année moins nombreux, non seulement en nombre absolu mais également en pourcentage au sein des militants du parti. Mais ils restent la principale force d'intervention du PC et le plus grand nombre de militants politiques ouvriers de ce pays.
A eux, Hue s'est efforcé de donner le change en annonçant un " tour de France des inégalités ", une nouvelle initiative bien vague et consensuelle qui pourrait selon lui meubler l'activité du parti jusqu'aux municipales.
Mais ces militants pourraient trouver mieux à faire. Les réactions des travailleurs contre la politique du gouvernement et du patronat se multiplient depuis quelques mois, même si elles restent pour l'instant isolées les unes des autres. Un émiettement que les directions des confédérations syndicales s'efforcent de maintenir. Rendre ces luttes plus efficaces en faisant qu'elles convergent, préparer la lutte d'ensemble des travailleurs nécessaire pour mettre un coup d'arrêt à l'offensive du patronat et du gouvernement, c'est à cela que pourraient s'atteler les militants ouvriers communistes qui ne veulent pas se laisser brider par la participation de leur parti à ce gouvernement. Et sur ce terrain nous nous retrouverions au coude à coude.