TPC Dijon (Bourgogne Electronique) : 14 jours de grève pour les salaires24/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1654.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

TPC Dijon (Bourgogne Electronique) : 14 jours de grève pour les salaires

A l'usine TPC de Saint-Apollinaire, plus connue à Dijon sous le nom de Bourgogne Electronique, les travailleurs, et particulièrement le personnel de production, à majorité féminin, viennent, après 14 jours de grève avec occupation, d'obtenir 244 F d'augmentation nette par mois pour l'ensemble des usines TPC de Bourgogne dont font également partie les centres de Beaune et de Seurre, soit plus d'un millier de personnes.

Ces trois unités de production de composants électroniques ont été revendues récemment par Thomson au groupe américain AVX après qu'il en a réduit de façon drastique le personnel à coups de plans de restructurations à répétition.

Depuis des années, le personnel vit sous la menace perpétuelle de licenciements, pression permanente qui a permis à Thomson d'imposer des salaires parmi les plus bas de la région, entre 5 500 et 6 500 F pour les 250 à 300 ouvriers de production du centre de Saint-Apollinaire. Parmi les 300 autres employés du centre, nombreux sont les employés, personnels administratifs et techniciens qui sont presque aussi mal payés.

Le conflit qui a éclaté le mercredi 22 février venait à la suite d'un certain nombre de débrayages pour protester contre un nouvel aménagement des pauses et le blocage des semaines de vacances, à l'appel des syndicats CGT et CFDT. Si la CFDT est majoritaire, elle est en perte très nette de vitesse parmi le personnel ouvrier au profit d'une CGT plus radicale et moins liée à la direction.

Du débrayage a la grève

Le débrayage de ce mercredi-là regroupait un peu moins d'une centaine d'ouvriers qui cette fois-ci ne voulaient qu'une chose, fermer l'usine, malgré l'opposition des syndicats : la CFDT, parce qu'elle n'était pas favorable au conflit, la CGT parce qu'elle pensait que les grévistes étaient trop minoritaires pour imposer de cette façon leur volonté à l'ensemble du personnel, et en particulier aux nombreux administratifs et techniciens. Devant leur refus de se laisser convaincre, la CGT s'est finalement ralliée aux grévistes, ce qui a rallié bon gré, mal gré, le dirigeant de la CFDT et c'est finalement une soixantaine de personnes qui ont fermé les grilles.

Au soir du mercredi on pouvait compter environ 80 à 90 grévistes ouvertement déclarés et volontaires pour participer au piquet, dont les 30 ouvriers de l'équipe de nuit pratiquement au complet.

Le lendemain, alors que cadres et direction venaient à chaque prise de poste pour encourager et comptabiliser les non-grévistes, le nombre des grévistes augmentait peu à peu, essentiellement du personnel de production. Sous l'influence de militants de la CGT, les grévistes firent le choix d'accueillir les non-grévistes, de discuter avec eux sans hostilité au contraire, puisque eux aussi étaient mal payés et que c'était eux qui pouvaient faire pencher la balance.

Le vendredi 24 février, aux prises de poste, les grévistes étaient mobilisés et les non-grévistes hésitaient, au point qu'ils se sont mis à discuter avec la direction et à lui reprocher d'être mal payés. Quand la direction demanda qu'ils se regroupent autour d'elle une partie d'entre eux se joignirent aux grévistes, une autre partie rentrant chez soi et seule une minorité restant avec la direction.

Pendant le week-end, des négociations avec la direction eurent lieu, la direction cédait sur les pauses et les vacances et pratiquement rien sur les salaires. Mais c'est aussi pendant le week-end que les grévistes se sont convaincus que, s'ils étaient une minorité active d'une centaine de personnes, une autre centaine étaient grévistes inactifs ou par intermittence, et 200 personnes étaient non-grévistes, mais favorables à la grève.

La grève et sa direction

La grève devenait moralement majoritaire. Le lundi matin, le groupe de la direction et des non-grévistes avait fondu, et bon nombre de cadres et de chefs observaient une neutralité bienveillante.

C'est alors qu'eut lieu la première assemblée des grévistes, il y avait 120 grévistes et comme l'a dit un dirigeant de la CGT : " On vient de rentrer vraiment dans la grève, il est temps maintenant de la confirmer, de définir les revendications, et de l'organiser ". Ce qui fut fait : la grève fut votée à l'unanimité pour une augmentation de salaire de 1 000 F pour tous, il fallait être prêt à durer et pour ce faire s'organiser. Une direction de la grève fut élue avec 12 membres, dont 6 CGT, 2 CFDT et 4 non-syndiqués. C'est cette direction élue et confirmée deux fois par jour dans les deux assemblées générales quotidiennes qui s'est alors chargée de l'organisation matérielle du piquet (volontaires, chauffage, nourriture, rédaction et distributions de tracts, collectes, etc.) Mais l'essentiel des décisions était pris ou ratifié par les AG, auxquelles les grévistes, réfractaires au début, prenaient goût.

Devant cette situation la direction contre-attaqua le mardi 29 février ; le directeur général en personne vint devant les grilles avec ses cadres pas bien vaillants ; le résultat fut une assignation en référé de 26 grévistes ; le mercredi, 80 d'entre eux assistaient au jugement et, après de longues discussions en assemblée générale, les grévistes décidaient que, quel que soit le compte rendu du jugement, c'est-à-dire portes ouvertes ou pas, ils resteraient en grève.

Le jeudi soir à 20 heures la direction réintégrait son usine mais les grévistes s'installaient plus confortablement dans le hall. Le vendredi matin une assemblée générale de 200 grévistes, la plus nombreuse qu'il y ait jamais eu, revota la grève jusqu'au lundi. Ce jour-là l'assemblée générale regroupa encore 150 personnes, les ateliers restaient paralysés, mais on sentait la fin du mouvement ; les négociations entre les 12 membres du comité de grève et la direction avaient finalement donné 244 F ; c'était bien sûr insuffisant mais on était au 13e jour de grève. Pour s'assurer qu'il n'y avait plus d'autre possibilité, à la fois sur Dijon et sur Beaune ou Seurre, qui avaient eux partiellement suivi le mouvement, le noyau dur des grévistes décida de terminer en beauté : une journée de grève de plus, distribution de tracts sur les autres centres, assemblée générale pour voter ensemble la reprise, suivie d'une manifestation à la préfecture.

Si ce n'était pas une très grosse victoire c'était loin d'être une défaite, les grévistes sont fiers d'avoir gagné une augmentation générale pour l'ensemble du personnel des trois centres. Et les pourparlers entre le comité de grève dans son entier et la direction se poursuivent pour décider des modalités de reprise et le paiement des heures de grève.

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