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Leur société
Le patronat menace de couper les allocations aux chômeurs
A l'occasion des négociations syndicats-patronat sur l'UNEDIC, l'organisme paritaire qui gère les indemnisations de chômage, le patronat a proposé une réforme du mécanisme d'indemnisation. " Le système d'assurance-chômage est trop passif et peu incitatif, prétend le patronat. Il faut en faire un instrument actif d'une politique de retour à l'emploi ".
Le patronat propose d'offrir aux demandeurs d'emploi un " bilan de compétence " éventuellement suivi d'une formation et " d'une ou plusieurs offres d'emplois adaptées à ses connaissances ". " Si le demandeur d'emploi refuse ces offres ou la formation qualifiante proposée, menace le MEDEF, il démontrera que sa recherche d'emploi n'est pas réelle et sérieuse, ce qui pourra justifier en conséquence un ajustement du montant de ses allocations. "
En clair, le MEDEF veut mettre le couteau sous la gorge de chaque chômeur en le contraignant à accepter n'importe quel emploi, à n'importe quel salaire, sous peine de perdre son indemnisation chômage. C'est ce que le MEDEF appelle un régime " incitatif ".
Diminuer les remboursements pour diminuer le chômage ? Si cela fonctionnait, cela se saurait car depuis 1982, les allocations-chômage n'ont cessé de baisser, mais le chômage, lui, a explosé !
Par le système des Allocations Uniques Dégressives, les allocations-chômage chutent très rapidement. Actuellement seuls 41 % des chômeurs touchent une allocation chômage. Et la moitié de ceux-là touchent moins de 4 000 F par mois. Cela signifie que sur cinq chômeurs officiellement recensés, un seul gagne plus de 4 000 F... et encore provisoirement. C'est bien l'augmentation incessante du chômage, combinée avec la suppression pure et simple des allocations pour la plupart des chômeurs qui expliquent la prolifération de la misère, des soupes populaires, des expulsions et des exclusions de toutes sortes.
Mais pour le patronat, cela ne suffit pas encore. Et si aujourd'hui, un salarié à 10 000 F par mois perd son emploi, il peut refuser logiquement un emploi à 5 300 F, car pendant quelques mois au moins, il gagnera encore davantage au chômage. Mais s'il est menacé de perdre tout indemnité, il acceptera plus facilement une telle baisse de rémunérations. Et dès que le patron trouvera suffisamment de salariés prêts à travailler pour un salaire de misère, il pourra licencier les salariés à 10 000 F pour les remplacer par ceux-ci, ou bien faire accepter directement aux travailleurs des baisses de salaire considérables.
Au total, il n'y aura pas un seul chômeur en moins, mais les bénéfices auront augmenté. Tel est le raisonnement et l'objectif du patronat : au travers de la baisse ou de la suppression des indemnisations chômage, faire encore pression sur les salaires.
Cela n'est pas nouveau mais ce serait un pas de plus dans la dégradation du niveau de vie, non seulement des chômeurs mais de l'ensemble des travailleurs.
L'autre proposition des patrons vise à généraliser l'emploi précaire. En effet, il faut d'après eux " élargir la gamme des contrats disponibles ", " réfléchir à de nouveaux types de contrats dont la durée serait liée à l'achèvement d'un projet ou d'une mission. " En clair, le patronat veut la précarité à durée indéterminée. Là encore, entre les CDD, l'intérim, le transfert d'activités à des sous- traitants et des sociétés dites " extérieures ", et les plans de licenciements, la panoplie de la flexibilité est déjà grande et permet aux capitalistes de faire varier leurs effectifs et leurs coûts salariaux en fonction de la production. Mais les patrons veulent avoir les mains encore plus libres et disposer d'un contrat qu'ils pourront établir et rompre à volonté.
Pas besoin d'être devin pour pronostiquer qu'une telle mesure accentuera encore la précarité sans diminuer d'un pouce le chiffre du chômage.
Il est évidemment choquant de voir les représentants du patronat, le baron Seillière et Denis Kessler, désigner du doigt les chômeurs comme responsables du chômage. Il est choquant de voir ces deux milliardaires bien nourris menacer de couper les vivres à ceux qu'eux- mêmes ou leurs amis ont licenciés ou déjà privés d'emploi.
Mais après tout, ils sont dans leur rôle. Ce qui est au moins aussi choquant, c'est la réaction de plusieurs syndicats lors de ces négociations. Si la CGT et FO à juste titre ont dénoncé le patronat qui " tente une nouvelle fois de faire des chômeurs des coupables ", il n'en pas été de même des autres. La CFDT, la CFTC et la CGC se sont félicitées en choeur de l'idée " d'activer les dépenses de l'UNEDIC pour favoriser le retour à l'emploi. " Michel Jalmain, secrétaire national de la CFDT a indiqué qu'il trouvait " ces pistes intéressantes ". " S'il s'agit de construire un nouveau dispositif qui permette d'associer indemnisation, formation et retour à l'emploi, nous serons de ceux qui s'engageront " a-t-il assuré. Les nouveaux contrats de travail ne constituent pas non plus pour lui " une question taboue " et si avec ces contrats " il s'agit de lutter contre la précarité, on y va. Si c'est pour accroître la flexibilité et les dérégulations, qu'on ne compte pas sur nous ". Cela fait 20 ans que tous ces contrats précaires et formations bidons ont fait la preuve de leur nocivité et de leur inefficacité totale contre le chômage. Mais ces responsables syndicaux ont sans doute besoin de 20 ans de plus et d'un chômage décuplé pour en tirer les leçons.
Gestionnaires avec les patrons de l'UNEDIC, ces syndicalistes-là montrent, dans les faits et en paroles, ce que signifie la collaboration... sur le dos des chômeurs et des salariés.
Autant dire que ce n'est pas sur eux ou leurs semblables, que les travailleurs avec ou sans emploi pourront compter face à cette nouvelle attaque du patronat.