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Editorial
Le nécessaire retour de bâton
Deux annonces du PDG de France Télécom ont suffi pour que la Bourse de Paris s'emballe. La première a été l'augmentation des bénéfices de France Télécom de 20 % en 1999. La deuxième, l'introduction en Bourse des activités Internet de France Télécom. Résultat : en une seule journée, le prix des actions de France Télécom a augmenté de 25 % et la valeur de l'ensemble de ses actions a bondi du montant phénoménal de 295 milliards de francs !
Cela signifie que les gros détenteurs d'actions ont réalisé en une seule journée un gain de 25 % sur leurs capitaux. Mais cela signifie aussi que, malgré la hausse de leur prix, les actions de France Télécom ont trouvé preneur. La demande a largement dépassé l'offre. Les possesseurs de capitaux ont tellement d'argent qu'ils n'hésitent pas à surenchérir les uns sur les autres pour acquérir les actions des entreprises dont ils espèrent, à tort ou à raison, qu'elles rapporteront plus gros encore demain ou après-demain.
Ceux qui spéculent sur les actions de France Télécom apprécient la suppression de 5 000 emplois par an depuis 1996. Ils apprécient encore plus le projet de supprimer 18 000 emplois pendant les trois ans qui viennent.
Il y a cependant un hic pour les spéculateurs : malgré la privatisation rampante, pudiquement appelée " ouverture du capital " par le gouvernement de la gauche plurielle, l'Etat possède encore 62 % des actions de France Télécom. Qu'à cela ne tienne ! Le ministre de l'Economie annonce que l'Etat pourrait vendre au privé une partie supplémentaire de ses actions.
L'Etat se sera donc chargé du sale travail de réduire les effectifs pour rendre France Télécom toujours plus attrayante pour le capital privé. Maintenant que c'est bien en route, c'est au capital privé d'encaisser les bénéfices de l'opération.
L'existence même de ces capitaux financiers qui enrichissent une minorité fortunée est déjà révoltante.
Mais ce qui est plus révoltant encore, c'est que les profits des entreprises qui alimentent ces capitaux sont obtenus par la généralisation de la précarité et des bas salaires, par ces suppressions d'emplois qui aggravent le chômage et augmentent la charge de travail de ceux qui restent. C'est pourtant la politique de toutes les grandes entreprises.
Unilever, le géant mondial de la lessive, vient d'annoncer la suppression de 25 000 emplois à l'échelle du monde, soit 25 % de ses effectifs. ABB Alstom Power supprime 10 000 emplois sur 54 000, soit un emploi sur cinq !
Les dirigeants de ces entreprises s'estiment en droit de jeter à la rue des milliers de travailleurs et de ruiner des régions entières pour qu'une poignée d'actionnaires disposent toujours de plus d'argent pour se disputer les entreprises et leurs actions.
Pendant que les classes riches jonglent avec des milliards, avec l'aide de l'Etat, trois millions de femmes et d'hommes sont toujours au chômage et trois autres millions, qui ne sont plus considérés comme chômeurs parce qu'ils ont un emploi précaire, doivent vivre avec des sommes qui tournent autour du seuil de pauvreté.
Mais qu'ils prennent donc garde : cette accumulation scandaleuse de richesses, alors que le chômage perdure et que la pauvreté s'accroît, ne pourra pas durer indéfiniment. La colère finira par exploser. Il faudra alors que les luttes convergent en un mouvement d'ensemble de tous les travailleurs du privé comme du public pour arrêter le gâchis et pour imposer au patronat et au gouvernement que l'argent accumulé serve à créer des emplois, et pas à en supprimer, à augmenter les salaires, et pas à les réduire, à améliorer les services publics, et pas à les détruire.