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Tunisie : L'envers du décor
D'après le Conseil national pour les libertés en Tunisie, un organisme créé par des intellectuels et des militants des droits de l'homme et dont l'existence légale n'est pas reconnue dans ce pays, d'importantes manifestations, qui se sont parfois transformées en émeutes, se sont déroulées récemment dans diverses banlieues populaires et des bourgades qui entourent plusieurs grandes villes de Tunisie. Sfax, Gabès, Gafsa, Medenine, Djerba, Zarzis et bien d'autres agglomérations ont été le théâtre d'affrontements violents entre la police et les manifestants.
" Le mouvement a suivi immédiatement le déclenchement d'une grève des conducteurs professionnels (taxis, louages, routiers) le 1er février dernier " explique un communiqué du CNLT. " La grève était motivée par l'entrée en vigueur du nouveau code de la route qui institue, outre le permis pour deux-roues, le permis à points pour les véhicules automobiles. Les conducteurs ont exprimé ainsi leur crainte d'un renforcement de l'arbitraire policier ". Mais en peu de temps, c'est une vague de contestation puis de révolte qui s'est étendue comme une traînée de poudre. " Les manifestants, pour l'essentiel de jeunes lycéens et chômeurs, soutenus par le reste de la population, s'en sont pris violemment à tous les symboles du pouvoir (panneaux indicateurs, lampadaires, édifices publics) et ont dressé des barricades, enflammé des pneus, saccagé les voitures. Ils ont affronté les forces de police, causant dans leurs rangs de nombreux blessés et les contraignant à se replier. Leurs slogans ont mis en cause les augmentations des prix des produits de première nécessité, la détérioration du pouvoir d'achat et la croissance du chômage, en exprimant aussi leur ressentiment à l'égard des autorités publiques et contre le développement de la corruption ".
D'après le même communiqué, " cette vague de protestation n'a pu être enrayée que par un déploiement policier exceptionnel. Des centaines d'interpellations de jeunes ont été effectuées. Quelques dizaines d'arrestations ont été opérées, parfois de nuit et accompagnées de brutalités ".
Ces manifestations rappellent la vague d'émeutes, dites les " émeutes du pain " de 1984. Le gouvernement tunisien, qui essaie de multiplier les échanges avec les pays européens et d'attirer des capitaux, aimerait bien faire silence sur ces tensions car elles risquent d'inquiéter les hommes d'affaires occidentaux. C'est sans doute ce qui explique la discrétion des médias en Tunisie et dans les pays dits amis sur tous ces événements. En tout cas, ceux-ci font justice des déclarations autosatisfaites du pouvoir sur le " miracle économique ", révélant l'ampleur du chômage et de la pauvreté et montrant que, si une couche de la bourgeoisie tunisienne continue de s'enrichir, la détresse sociale, la misère s'aggravent en particulier dans les zones déshéritées du sud, du centre et du nord-ouest.