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- Lutte ouvrière n°1648
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Dans les entreprises
Magneti-Marelli - Amiens : L'usine paralysée pendant trois jours
Les 724 ouvrières de l'usine Magneti-Marelli d'Amiens (filiale de Fiat) produisent des tableaux de bord pour voitures. Elles étaient plus de 2000 dans les années soixante-dix avant que rachats de l'entreprise, licenciements et filialisations de plusieurs ateliers ne se succèdent. Dernièrement encore, la direction avait trouvé une combine frauduleuse pour supprimer 80 emplois malgré l'accord de RTT qui l'engageait à maintenir les effectifs jusqu'en 2001.
C'est donc l'inquiétude quant au maintien des emplois, et même de l'usine après 2001, qui a motivé la quasi-totalité des ouvrières à répondre à l'appel des syndicats (CGT-CFDT-FO) à une heure de débrayage, celle-ci se transformant aussitôt en grève le mercredi 2 février.
Immédiatement, les chefs entamaient leur travail de chiens de garde, montrant les crocs et menaçant : " On se souviendra des noms des grévistes ", " Vous serez licenciés " Les grévistes répondirent en mettant en place des piquets de grève aux portes de l'entreprise et en empêchant la sortie des camions de livraisons.
Rouges d'apoplexie, grises mines, pâleur et colère noire : notre chef du personnel et notre directeur sont passés par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ! Le directeur tenta d'attendrir les délégués lors des discussions en laissant son téléphone portable sur la table, et en concluant chaque appel à haute et triste voix par un : " Encore un client qui résilie son contrat avec nous. "
Au second jour du conflit cependant, il s'engagea à préserver 475 emplois jusqu'en 2003. La direction du groupe avouait ainsi finalement qu'elle avait déjà décidé de supprimer au moins 250 emplois ! Cette nouvelle provoqua la colère. L'assemblée des grévistes décida de poursuivre la grève et interpella les délégués en leur demandant de " ne rien signer avant de nous avoir lu ce que propose la direction " et disant notamment " ça durera ce que ça durera, mais on veut que la direction s'engage immédiatement et par écrit à ce qu'il n'y ait pas de suppression d'emplois ". Aux portes, un contrôle des coffres des voitures des chefs était mis en place nuit et jour (pour les empêcher de les bourrer de tableaux de bord).
Le vendredi, au troisième jour de grève, la direction sentit que la détermination des grévistes ne faisait que grandir et qu'ils étaient prêts à reconduire le mouvement après le week-end. Un grand chef avait même été dépêché d'Italie en toute urgence pour étudier la situation avec la direction locale. Grand chef, mais pas très courageux : il se cachait toute la journée dans un hôtel de la ville ! Il donna finalement le feu vert pour la signature d'un texte accordant 1 100 F de prime de participation pour 1999, le renoncement au plan de suppression d'emplois et le maintien de tous les salariés dans l'usine grâce au lancement de nouvelles activités sur le site.
La grève a été suspendue sur un sentiment de victoire pour les salariés. L'ambiance au travail s'en trouve modifiée. Cela faisait trop longtemps que nos conditions de travail se dégradaient : peur de perdre son travail, flexibilité accrue (avec des chefs qui venaient le matin aux bus pour dire aux salariés de ne pas descendre, qu'il n'y avait pas de boulot ce jour-là.), trop de harcèlement de la part des chefs, trop de remarques du genre : " Il faut aller pisser chacun son tour, pas en troupeau ".
La grève aura été l'occasion de remettre à leur place tous ces aboyeurs. Bien sûr, la signature par la direction d'un document l'engageant à zéro suppression d'emploi n'est nullement une garantie. Elle l'a récemment démontré en bafouant l'accord de RTT, lequel l'engageait en principe à maintenir les emplois jusqu'en 2001.
Mais à coup sûr, la détermination des travailleurs a inspiré à la direction une crainte dont elle risque de garder le souvenir un bon moment. Elle sait que les salariés ont désormais le moral au beau fixe et qu'ils sont prêts à remettre ça. " Vous vous en souviendrez ! ", menaçait le directeur, pâle de rage. Lui aussi ! Et rien que de penser aux cauchemars qu'il va en faire, ça met de bonne humeur.