Le 6 janvier 2000

Monsieur le Ministre

Nous venons d'être informés de diverses mesures que vous comptez demander à votre homologue de l'Intérieur et au garde des Sceaux:

- Enrayer les manifestations de tous ordres aux péages.

- Sanctionner ces infractions et envisager la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception du péage.

Vous êtes soi-disant préoccupé par le « sentiment d'inquiétude et d'insécurité parmi les personnels des sociétés concessionnaires, et particulièrement les receveurs, engendré par cet état de fait et par l'impunité accordée aux manifestants » et soulignez que le manque à gagner annuel pour les, sociétés d'autoroutes, entre 1995 et 1998, atteint 70 millions de francs.

En effet, les orientations prises par les sociétés d'autoroutes ces dernières années, sous couvert de la tutelle, ont les mêmes effets que dans les entreprises privées, toujours plus de rentabilité, de profits et toujours au détriment des personnels voyant leurs conditions de travail se dégrader.

A l'heure où les sociétés d'autoroutes devraient envisager de développer l'emploi, et de jouer pleinement le rôle d'une entreprise de service public, l'automatisation grandissante le supprime, allant jusqu'à la désertification totale de certaines gares de péage.

Toujours pour plus de profits, des receveurs se retrouvent seuls dans des gares de péage isolées dans la nature.

L'augmentation incessante du trafic nécessite des interventions de plus en plus nombreuses sur le tracé par les ouvriers autoroutiers de la viabilité, et nous avons eu à déplorer ces dernières années plusieurs accidents du travail mortels aux autoroutes.

C'est donc toute l'année, à tous les postes de travail et à toute heure de la journée que l'on peut trouver du personnel autoroutier en situation d'insécurité ( ... ),

Contrairement à ce que vous semblez penser, en cas de manifestations tout est prévu pour que le personnel autoroutier ne soit pas exposé, les consignes étant très claires et seul celui qui ne les applique pas peut être en insécurité.

Tout cela vous a déjà été exposé à plusieurs reprises ainsi qu'à toutes les instances concernées, et depuis des années, sans que cela n'émeuve personne.

Tout porte à croire que, sous prétexte d'insécurité du personnel, ce ne soit que les 70 millions de francs annuels de manque à gagner qui vous intéressent. ( ... )

Mais puisque vous vous inquîétez pour les personnels des autoroutes, nous osons espérer que enfin vous allez prendre en compte les remarques et les revendications portées par les représentants CGT des sociétés d'autoroutes SAPRl~, Escota, Cofiroute et ASF lors de l'entretien que vous leur avez accordé le 6 janvier 2000.

Étant salariés des autoroutes, ce qui nous inquiète ( ... ) c'est l'acharnement que mettent les directions à nous traîner devant les «juges » qui condamnent de plus en plus les militants, élus ou syndicalistes qui résistent et combattent les méfaits du capitalisme, vos demandes vont se retourner contre nous ( ... ),

Plus généralement nous voyons là encore une fois de nouveaux moyens de sanctionner et de museler le monde du travail qui n'a comme dernière solution que la manifestation pour se faire entendre.

Et le vrai motif peut apparaître comme étant l'interdiction à terme de toute manifestation aux péages, et peut-être de toute manifestation tout court, puisqu'il est vrai que nous avons déjà vu, sous un gouvernement de « gauche », des chars de l'armée déplacer des camions de chauffeurs routiers grévistes manifestant leur mécontentement.

C'est bien regrettable car tout cela se passe avec un gouvernement de gauche plurielle, et avec un ministre communiste qui, on pensait, aurait porté en avant les demandes des salariés plutôt que celles des sociétés d'autoroutes.

Copie envoyée à:

Robert HUE secrétaire national du PCF

Henri GARINO Fédération du PCF de l'Aude

Bernard THIBAULT secrétaire général de la CGT

Alain RENAUD Fédération des Transports CGT