Moulinex :1500 à 2000 emplois condamnés : tout pour les actionnaires !28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Moulinex :1500 à 2000 emplois condamnés : tout pour les actionnaires !

Le PDG de Moulinex, Pierre Blayau, vient d'annoncer un nouveau plan de restructuration. Il n'a pas démenti le chiffre qui circule parmi les travailleurs du groupe : 1 500 à 2 000 emplois devraient être supprimés sur une période de dix-huit mois. C'est le cinquième plan depuis le début des années quatre-vingt-dix. Le plus spectaculaire avait déjà supprimé 2 600 emplois en 1996 et entraîné la fermeture des usines de Mamers et Argentan.

La direction entend cette fois céder la production des fours à micro-ondes, actuellement fabriqués par les 1 100 travailleurs de Cormelles-Le Royal près de Caen. Elle serait reprise par Whirlpool, déjà présentée comme l'entreprise qui pourrait finir par reprendre Moulinex dans le futur.

D'autre part, les aspirateurs, actuellement fabriqués par trois cents ouvriers de l'usine de Falaise, seraient transférés en Pologne et l'usine de Falaise, fermée. Les moteurs construits à Carpiquet et Saint-Lô seraient repris par la société Johnson et la fabrication des fers à repasser, réalisée actuellement par 200 ouvriers dans un secteur de l'usine d'Alençon, serait expédiée vers le Mexique.

La direction prétend qu'elle perd de l'argent sur la fabrication des fours à micro-ondes et les aspirateurs. Elle invoque la crise en Russie, pays sur lequel la direction avait misé, qui aurait entraîné un endettement de 2,8 milliards de francs. Mais pourquoi - si c'est vrai - ce serait aux travailleurs d'en faire les frais en perdant leur emploi pour que leur patron puisse conserver la faveur de ses actionnaires, en maintenant leurs profits ?

Cela fait au moins quinze ans que les directions successives de Moulinex procèdent de la sorte. Elles ont multiplié les plans de ce genre. En 1985, Mantelet, le fondateur de Moulinex, s'était trompé dans ses prévisions sur l'engouement du micro-ondes. Il avait présenté la note à ses employés : 1 200 emplois supprimés. A la fin des années quatre-vingt, la nouvelle direction se lançait dans une politique de rachats. Au même moment, elle espérait que l'Europe de l'Est allait devenir un Eldorado capitaliste. Sa tentative de reprise partielle de l'entreprise par ses salariés, solution adoptée parce que Mantelet n'avait pas de successeur familial, avait fait long feu. En 1994 arrivait dans le capital Euris, le groupe financier de Jean-Charles Nouari, ancien conseiller socialiste de Bérégovoy devenu homme d'affaires. Son arrivée entraîna un nouveau plan social qui supprimait 1 500 emplois et fermait deux usines, en Pologne et en Angleterre, et la vente de deux autres (notamment Domfront dans l'Orne).

Le PDG actuel, arrivé en 1996, a été formé chez Pinault-Printemps-Redoute, où on a l'habitude de racheter les entreprises à la hussarde et de jeter à la casse les secteurs insuffisamment profitables.

Le résultat ne s'est pas fait attendre. A peine arrivé, Blayau annonçait une perte présentée comme " historique " et supprimait 2 600 emplois. Pour que le choc soit amorti à l'époque, il avait reçu des aides financières de l'Etat. Il se défend aujourd'hui en disant que la plupart des travailleurs auraient été recasés. Il n'empêche : cela s'est fait avec l'argent de l'Etat, pas celui de ses actionnaires et les 2 221 emplois ont bien disparu définitivement. C'est une opération du même genre qu'il réédite, en rêvant déjà de nouvelles aides de l'Etat pour que ses actionnaires gardent le moral tandis que s'allongeront les queues à l'ANPE.

Car, malgré cette direction que la presse nous présente comme assez chaotique, il reste que cette entreprise a continué d'attirer des actionnaires parmi lesquels il y a un de ses anciens dirigeants (Torelli), un fonds de pension britannique (Philipps & Drews) et même George Soros, des gens réputés pour rechercher un enrichissement rapide. Si tout ce petit monde s'accroche à Moulinex, c'est bien qu'il doit y trouver son compte et les pertes historiques qu'on annonce à la presse pourraient bien masquer quelques bonnes affaires pour une poignée d'actionnaires.

Pour le savoir vraiment, il faudrait que les travailleurs mettent le nez dans les comptes de la société Moulinex pour connaître ce que les dirigeants de l'entreprise ont fait des fruits de leurs efforts depuis tout ce temps.

Ils y découvriraient certainement que les pertes annoncées au fil des ans par la direction ne sont pas seulement dues à la mévente mais ont aussi été causées par l'enrichissement des divers actionnaires qui se sont succédé dans le capital de Moulinex. A tous ceux-là, il serait aujourd'hui bien normal d'aller demander des comptes.

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