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Leur société
Totalfina : Intérêts privés et intérêt public, totalement incompatibles
Dans les hautes sphères de TotalFina, il y aurait paraît-il un déficit de communication. Comment se fait- il en effet qu'un Thierry Desmarest, élu il y a peu patron de l'année, " un homme au naturel réservé et aux nerfs d'acier ", ait pu se produire tout bredouillant devant les écrans de la télévision et à la radio, ânonnant des âneries à qui voulait bien l'écouter sur sa paye d'un jour qu'il offrait aux sinistrés pour acheter des pelles et des râteaux, sans voir le ridicule, si ce n'est le mépris d'une telle proposition ? Il faut croire que les qualités qui sont celles d'un patron ne servent à rien pour ce qui concerne le bien public.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Desmarest a, dans un premier temps, été porté aux abonnés absents, pour ensuite donner par à-coups et presque à dose homéopathique quelques fonds. D'abord 50 millions de francs répartis sur cinq ans pour créer une fondation destinée au suivi d'une bonne qualité de l'environnement (!) puis 40 millions pour nettoyer les côtes et enfin un engagement à financer le pompage des 20 000 tonnes de fioul encore présent dans les cuves de l'Erika. Voilà ce qui s'appelle avancer à reculons. Mais pour Desmarest, c'est là une façon de débourser le moins possible, juste ce qui lui paraît nécessaire pour que l'image de sa société ne soit pas trop ternie auprès des consommateurs. C'est du moins ce qu'il espère. Et en fin de compte, ce que TotalFina déboursera sera bien peu au regard de ses profits déclarés.
Et même lorsque TotalFina fait un geste qui se veut public et direct vis-à-vis des sinistrés, le geste tourne à la farce. Ainsi, le maire de la Turbale, une commune de la Loire-Atlantique, a rapporté en ces termes l'aide de TotalFina : " J'ai eu la surprise de rencontrer ce matin sur le port une équipe (envoyée par la compagnie pétrolière) habillée de rouge avec inscrit sur le dos " la propreté c'est notre métier "... mais sans matériel ".
C'est donc à regret que la multinationale a mis un petit peu la main à la poche. Depuis le début de la marée noire dont elle est responsable, elle fait d'ailleurs tout pour bien souligner que les dégâts provoqués ne la concernent pas puisque juridiquement elle serait, paraît-il, hors de cause.
Desmarest peut bien dire maintenant qu'il va " immédiatement durcir la sélection des navires affrétés ", qui peut le croire ? Ignoraient-ils auparavant, lui et son entourage, que l'Erika était un rafiot pourri ayant maintes fois changé de nom, de propriétaire et sur lequel des traces importantes de corrosion avaient été décelées ? Bien peu problable. En tout cas, ce que les dirigeants de TotalFina ne pouvaient ignorer, c'est que l'actuelle société propriétaire de l'Erika, domiciliée dans un paradis fiscal, a un capital de 500 livres maltaises, soit 1 000 F ! Une telle indication figurant sur chaque papier à en-tête avait tout de même de quoi inquiéter.
Mais Desmarest, comme tous les autres dirigeants de groupe pétrolier, se moque éperdument des dégâts qu'il peut provoquer. Seuls comptent pour eux la rentabilité de leurs opérations industrielles et commerciales et les profits qu'ils peuvent dégager pour les actionnaires. En cela, Thierry Desmarest est peut- être un bon patron mais aussi un prédateur pour le reste de la société.